Marcel Dugas, Apologies, Montréal, Paradis-Vincent, 1919, 10 pages.
Dugas, dans son style plus lyrique qu’analytique, nous présente une critique littéraire de cinq « figures qui [lui] furent chères » : Albert Lozeau, Paul Morin, Guy Delahaye, Robert de Roquebrune et René Chopin.
Albert
Lozeau
« Après
la sarabande de nos romantiques orgiaques et sans génie, M. Lozeau nous
apportait une nouveauté d’émotion d’une qualité louable: la décence se joignait
à la force de sentir. Rien d’un poète orateur qui se perd dans le flux des
métaphores et pour qui l’image banale semble le fin du fin. Un filon venait
d’être découvert! »
Paul
Morin
« M.
Paul Morin aime les mots, il les cajole, il s’enthousiasme devant eux. Il
pousse cet amour jusqu’à une sorte de passion frénétique. Partout dans ses vers
le mot rare est cherché et conquis. M. Morin triomphe et sa patience rit,
s’amuse, semble trépigner. Pour exprimer son rêve et ses désirs d’horizons
étrangers, de villes dont les pieds de marbre trempent dans la moire opaline
des eaux frissonnantes, pour dire la gloire du Paon, si beau, si lumineux dans
sa robe, il veut des mots nobles, il lui faut des syllabes pleines de musique. »
Guy
Delahaye
« Ce
que j’aperçois encore au fond de cette poésie, c’est la beauté de l’orgueil,
l’organisation des mots dans des moules étroits, l’esprit qui surveille le
cœur, un troupeau de phrases qui gémissent sous le knout impitoyable de la
raison. / Ce poète se meurt, en effet, de géométrie, de raison, de diathèse et
de médecine. Et il y a, heureusement, à côté de ses systèmes dont il est un
orgueilleux accablé, la vie avec ses anarchies inéluctables, et parfois
délicieuses. »
Robert
de Roquebrune
« À
propos de L’Invitation à la vie. —
Il naît, au monde des lettres, en un tourbillon de mots qui veulent célébrer la
vie. Et il se chante à travers elle, en de beaux accents lyriques que presse
une âme débordante de sève, de fraîcheur et d’avenir. Rien, dans son ensemble,
qui décèle l’inquiétude, les angoisses, la sombre face de la mort: ce sont des
rythmes précipités qui battent en une poitrine ravie d’absorber le jour; c’est
un chant continu où éclatent le désir et le bonheur; c’est un cri aigu de cerf
en liberté. »
René
Chopin
« M.
René Chopin s’élance sur les routes de la terre. Le permanent sous tous les
cieux, il nous le cherche et, ce beau captif palpitant, il nous l’apporte dans
ses bras fraternels. Sa valeur, c’est de s’arracher de son temps et de voir,
au-dessus des limites d’une nation, le tableau universel. Il y a des vérités
morales, intellectuelles, qui sont d’hier et d’aujourd’hui: elles ne
connaissent pas de climat, de milieu, de pays. L’âme et ses passions reste la
même partout: ce qui la nourrit, l’élève ou l’abaisse, ce qui la rend identique
à ce qu’elle était jadis, ses capacités d’adorer ou de haïr, sa volonté de
puissance et ses fléchissements en présence du désir et des sortilèges voilà un
domaine que veut connaître le poète de Montréal. »
Dans son « voyage à travers ses souvenirs », Dugas s’oppose au nationalisme terroiriste défendu par l’abbé Roy et défend le modernisme, tel qu’on le concevait à cette époque : « L’avenir est dans la recherche, l’examen, les tentatives audacieuses, les négations d’hier. »
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