Jacques Godbout, Les Pavés secs, Montréal, Beauchemin,
1958, 90 pages.
« Je publiai des poèmes écrits entre 1955 et
1958 sous le titre de Pavés secs chez Beauchemin où Guy Boulizon était
directeur littéraire. Beauchemin publiait à compte d’auteur, mais le secrétaire
de la Province, Jean Bruchési, nous remboursait le tout avec magnanimité. Il
suffisait d’une demande polie, le chèque venait très vite, même si Maurice
Duplessis professait son mépris des “poètes”. » J. GODBOUT, Souvenirs shop :
poèmes et proses, 1956-1980, Montréal, Éd. de l’Hexagone, 1984, p. 10.
Jacques
Godbout, comme beaucoup d’auteurs des années soixante, a commencé sa carrière
par la poésie. Il a écrit trois recueils : Carton-Pâte (1956), Les Pavés
Secs (1958), C'est la chaude loi des
hommes (1960). Les trois ont été repris dans Souvenirs shops en 1981 dans la collection Rétrospective de
l’Hexagone.
Le
recueil contient 71 poèmes répartis sur deux parties : « Les pavés
secs » et « Le fruit et l’ombre ».
« Les pavés secs »
Rien
de très compliqué dans la poésie de
Godbout : vocabulaire et style concret de la prose, pas de métaphores, pas
de sous-textes ténébreux. On pense au réalisme poétique de Jacques Prévert. Les
poèmes apparaissent souvent comme de petits contes absurdes, voire des
comptines si on s’en tient au rythme. « Deux pas / la pluie / nous n'irons
pas / à Paris / ou ailleurs / en Amérique par exemple // deux pas / la pluie /
qui dit c'est fini / les espoirs de jadis // deux pas de trop / dans la rue /
dans la pluie / l'ont envoyé en paradis / où il ne voulait pas aller ».
Comme ce poème l’illustre, on est souvent en présence de courtes saynètes au
contenu anecdotique et au dénouement absurde. Le tout finit par créer
l’impression d’un monde sans consistance, artificiel, mensonger. Les
sujets et les thèmes défilent, nombreux, souvent traités de façon
ironique : le mensonge, l’indifférence, la bêtise, la guerre, la religion,
l’enfance, la politique. On n’y trouve pas de dénonciation virulente mais
plutôt un certain parti pris de dérision comme dans ce poème sur la concorde
des nations : « Un jeune arbre se / tient dans le soleil et la
fatigue / tout simplement / parce que planté / en grande cérémonie / comme lien
d'amitié / entre beaucoup de pays / mais depuis cette rencontre / il n'y a pas
si longtemps / on a vite oublié / les promesses de couloir / ainsi que
d'arroser l'arbre de l'espoir ».
« Le fruit et l’ombre »
Rien
de très différent dans la seconde partie, sinon des poèmes plus courts et peut-être
une accentuation de la dérision : « Je me rappelle / que la hyène /
ricanait / tandis que les missionnaires / évangélisaient / du haut de leurs / cocotiers ». Ou encore : « Une
pipe / queue en l'air / comme un oiseau / tête posée nonchalemment (sic) / faisait risette / à un
plafond / incroyablement gêné ». Je pense même qu’on pourrait y lire de
l’autodérision: « Vous êtes libres (sic)
/ brave petit conte / pour adultes / sans fin triste / non plus qu'heureuse /
sans mariage ou princesse / et douzaine d'enfants / liberté / maison de pain
d’épice / qui fond lentement ».
Si
vous aimez Prévert, si vous aimez les petites saillies verbales pleines de
finesse, Les Pavés secs sont pour
vous.
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