Dans le salon, en grand mystère,
Loin des regards trop curieux,
On a placé le conifère
Payé cent sous à quelque vieux.
Or, dès qu'ils ont quitté la table
Du souper, les enfants naïfs
Ont laissé le marchand de sable
Jeter sa poudre en leurs yeux vifs.
Tandis qu'à travers tous leurs rêves
Ils entrevoient un coin du ciel,
En bas, au fil des heures brèves,
On aide le petit Noël.
Dans un coin, le sapin se dresse
Tendant ses multiples bras verts.
Joyeusement, chacun s'empresse
D'en faire un magique univers,
Un univers aux lois étranges
Où des soleils flambent la nuit;
Où les étoiles ont des anges
Dans leur cœur de carton qui luit;
Où, malgré la neige qui brille,
Des fruits de faïence ont mûri
Sur les branches qu'une résille
De fin verglas couvre à demi;
Où des perles aux mille teintes
Jettent leur merveilleux éclat
Sur des arches lourdement peintes
Dont les bêtes sont de nougat !
Des girandoles de lumières
Étincellent dans le sapin :
Où sont les ombres coutumières
De son pays laurentien ?
Sous les branches basses, grand'mère
Pose une crèche où l'Enfant Dieu
Sourit aux témoins du mystère
Qu'elle a rassemblés en ce lieu.
Au pied de l'arbre, un petit monde
A pris place bien sagement :
Polichinelle à bosse ronde,
Poupée au visage charmant,
Bleuette ou brave Bécassine,
Soldats de plomb, fiers généraux,
Qu'une douce odeur de résine
Plonge en un tranquille repos !
Dès que l'heure sera sonnée,
Les petits enfants descendront,
La frimousse tout étonnée,
L'œil de plaisir drôlement rond,
Le cœur, sous la longue chemise,
Battant de bonheurs contenus !
O joie unique, joie exquise
Des Noëls aux petits pieds nus,
Joie inoubliable et si tendre
Pendue aux branches du sapin,
Pour nous que l'âge vient surprendre
N'auras-tu plus de lendemain ?
(Jacqueline Francoeur, Aux sources claires, Montréal, Albert Lévesque, 1935, p. 109-112)
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