Denis Vanier, Pornographic delicatessen, Montréal, Editions Estérel, 1968, n.p. (Préfaces de Claude Gauvreau et Patrick Straram; photographie de Michel St-Jean)
Petites
fantaisies, la première (à la Andy Warhol) et la quatrième de couverture sont inversées
et les deux préfaces se retrouvent à la fin du recueil.
Le
recueil semble contenir trois parties, non titrées, mais dédicacées et-ou
précédées d’une épigraphe. Au moins une page blanche nous signale le changement
de parties. The Fugs, Bob Dylan, les Hell’s Angels et sa femme Myriam sont les
dédicataires de la première partie. En exergue, on lit une citation de Bob
Dylan qui reprend une idée de Lenny Bruce. « Lenny Bruce says there are no
dirty word… just dirty mind ans I say there are no depressed words just
depressed minds. » La seconde partie, non dédicacée, est coiffée d’une
citation de Gregory Corso : « I hate old poetman ».
Dans ces
deux premières parties, on a souvent l’impression de se retrouver devant des
instantanées ou de courtes scénettes dont le référent nous échappe. L’omniprésence
du sexe et de la drogue, le plus souvent métaphorisés, mais aussi de la guerre,
l’alcool, la religion, New York, les maladies et certains personnages connus de
l’« underground » (Ginsberg, Péloquin, Gauvreau) en sont l’inspiration. On ne
peut pas dire qu’il y a des revendications très affirmées, l’auteur se
contentant d’allusions, d’images percutantes. Les vers (leur disposition entre
autres) me semblent travaillés dans le sens d’une déstructuration, donc de l’embrouillage.
En raison de l’omniprésence de l’anglais, on comprend que son inspiration est
teintée de la culture américaine. L’atmosphère y est le plus souvent celle d’un
« bad trip ».
La troisième partie du
recueil, dédiée à William Burroughs et Patrick Straram, porte deux citations en
exergue : « These boots are made for walking » (Chanson de Nancy Sinatra)
et « Vous avez vu les robes de Jenny Rock à la Place des Arts? Atroce »
(Journal Montréal Matin) On est loin de l’underground : ce sont deux
chanteuses pop.
Cette partie, plus accessible,
relaie une poésie, très chargée, mais qui présente une certaine continuité dont
on peut extraire du sens. En fait, il reprend là où il a nous laissés dans
« Je », son recueil précédent.
Vanier pose un diagnostic
virulent sur la société qui brime l’être humain de bien des façons. Le tout
commence par les carcans (religieux ou sociaux) qui nous empêchent de nous
exprimer : « nous sommes congelés d’un mutisme d’époque ». Selon
lui, on serait coincé dans « l’embouchure d’un passé perpétuel ». Le
risque, l’audace, depuis toujours, ont été réprimés : « Le rêve
cloîtré au sel du quotidien / s’ensoleille d’un orgasme de l’épouvante / sur
l’inertie des forains séculaires ». « L’écriture — à force de bâtir
des églises / où pourrissent dans la pénombre / les artères éclatées des
statues de l’ordre — / est un piédestal aux déchus ». « Nous sommes
morts d’avoir brandi trop haut certains drapeaux encore tout ruisselants du
sang des damnés ».
Gauvreau écrit en préface
(ou postface) : « Denis appartient à cette génération de jeunes
penseurs qui parachèvent exemplairement le saccage de tous les tabous. »
Straram, dans sa postface
de 32 (!) pages, que j’ai lue en diagonale, ne parle pas de Vanier mais de
lui-même. Il attaque ses ennemis littéraires, case les uns et les autres dans
de petites boîtes. Surprenant quand même de retrouver Fernand Ouellette avec
Gauvreau, Langevin, Garcia, Duguay, Vanier, Miron, Lapointe, Chamberland sous l’appellation
« progressisme ».
Aliénés
de toutes les consciences
nous sommes à deux pas du jour
qui croisés aux muscles des embryons de givres
molestés par des troupeaux d’hiver
percutent jusqu’aux joncs de l’enfance
clandestins de la parole
Nos salives se souillent à la mesure des poux de l’ordre
Aucun commentaire:
Publier un commentaire