Denis Vanier, Je, Longueuil, Image et verbe, 1965, 41 p. (4 encres de Reynald Connolly; Couverture et maquette : François Piazza) (préface de Claude Gauvreau)
Denis Vanier naît à Longueuil le 27 septembre 1949. Il publie donc son premier recueil, Je, à l’âge de 15 ans. Il prétend même, dans l’avant-propos de l’édition de 1973, que certains poèmes auraient été écrits à l’âge de 13 ans. Bien sûr, que c’est phénoménal, d’autant plus que Vanier maîtrise déjà un langage poétique adulte.
Dès le premier poème, le ton est donné. Le discours ne s’embarrasse pas de nuances. Nous entrons dans un monde rongé de toutes parts, un univers hostile, une ville décrépite, une nature dénaturée, des êtres malades, bref où tout est à refaire, et même le rapport amoureux : « … toi comme un abcès puant à la face des égorgés // tu es la neige d’un pôle à reconquérir ».
Comment nouer une relation amoureuse féconde quand un « vent […] souffle la mort » ? « J’ai vécu à l'ombre de ta chair; si peu de jours m'étaient offerts pour naître à la vie que j'en suis mort d'impatience ». Comment l’amour pourrait-il subsister dans cet univers apocalyptique : « Oh! blancs décombres de notre jeunesse / respirant à pleins poumons la radioactivité des / nuages et la fumée des bas-fonds ». Il décrit un pays dévasté, sans horizon : « Nous sommes morts / pays de froid / sillons de néant glacé / à l'enchevêtrement des nuits crispées / peuple à effluves de frimas ». La drogue et l’érotisme sont mentionnés, sans plus, dans ce recueil qui raconte l’impossibilité amoureuse dans un pays dévasté.
Il finit quand même par deux ouvertures. Dans le poème intitulé « Québec », le jeune poète écrit que la libération passe par une forme de purification : « Mais un jour viendra où nous déploierons / les voiles qui recouvrent nos corps bleuis / par le froid, et la peine, / en ce jour, les cieux vomiront la bave / écumante de nos espoirs sur la terre aride / les arbres renaîtront : troncs d'ivoire et / nids d'argent dans les branches d'hosties ».
Dans « Elle seule », il écrit que l’amour est une valeur refuge dans ce monde cruel, une valeur qui doit aussi passer par une phase de purification : « je t’aimerai pour toi et moi / pour les hommes et les choses qui nous regardent // je t'offrirai mon être tout ruisselant d’immondices humains / pour que tu l'engloutisses en toi et le fasses tien // je transformerai ta chair en lamelles de printemps ».
La préface de Gauvreau annonce peut-être davantage les recueils à venir : « Vanier écrit dans un état de bouleversement assez ému pour arracher au tréfonds de l'inconscient les préoccupations humaines les plus secrètes et les plus intimes; tant mieux. Son émoi permanent lui permet d'échapper à toute préconception limitative. »
Vanier, dans la préface de 1974 : « Dans leur majorité, ces textes furent rédigés à treize ans, à la taverne Longueuil, des valiums au pepsi, à quelques années de l’acide, mais en plein corps avec un état neuro-psychique très précis. » (Éditions de l’aurore, 1974, 53 p. Coll. Lecture en vélocipède)
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