Éva Ouellet Doyle, Le livre d’une mère, Québec, Imprimerie Ernest Tremblay,
1939, 141 p. Le recueil est dédié à ses enfants : « Je dédie ce livre à mes enfants Harry, Thérèse et Lucie ». En épigraphe, on lit : « L’enfant est un rêveur assoiffé de lumière, / Son esprit agité cherche tout ici-bas, / Mais, dès qu’il a compris il revient sur ses pas / Et trouve le repos dans le cœur de sa mère. » Dans la préface, Alphonse Désilets vante celle qui, « tout en vaquant à ses devoirs quotidiens (…), s’est mise tout à coup à chanter » alors que « l’existence actuelle est remplie d’obligations nouvelles où il entre plus de prose que de poésie ». Le préfacier va jusqu’à attribuer à l’œuvre une portée édifiante, ce que reconnaitront « ceux qui croient encore au prestige des influences maternelles pour le bonheur de la vie. »
Dans le poème « Liminaire », elle prend soin de préciser que son recueil s’adresse aux « âmes sincères » et aux « mères aux grands cœurs », se moquant au passage des critiques : « Parlez, ô grands maîtres, / Qui croyez connaître / L’art des vers. / Parlez sans réserve / Car dans votre verve / Je me perds. »
Le titre n’est pas un indicateur fiable du contenu. Le recueil compte cinq parties. Dans la première, « À ceux que j’aime », l’autrice relate sa vie de famille : son mari, ses enfants, les joies familiales ; dans le dernier poème, la grand-mère qu’elle est devenue se rappelle le temps heureux où elle était mère.
Dans « Aux disparus », elle rend hommage à ceux et celles qu’elle a aimés et qui sont décédés : sa mère, une amie, des marins, Alfred Garneau. La mort n’est pas associée à la tristesse, elle est liée au sentiment religieux, à la vie après la vie.
« Souvenirs » rassemble des poèmes qui évoquent les temps jadis : son village et la maison natale, des chants qu’entonnait sa mère, la villa Myrfal, la bataille des plaines d’Abraham. « Quand je te revois, Ô vieille maison. / Mon âme est plus forte et plus courageuse. »
Dans « Élévations», Ouellet-Doyle chante les louanges du Seigneur. Pour elle, comme pour les Romantiques, Dieu s’incarne dans la nature. Elle avoue que sa vie est difficile, ce que la religion permet de sublimer.
« Divers », enfin, présente des poèmes plus personnels. Elle parle de ses peurs, de ses angoisses, de ses désillusions, du vieillissement. « Dans ma fenêtre un grand vent passe, / Un grand vent d'hiver et de froid / Qui pleure en courant sur mon toit, / Qui me transit et qui me glace. »
Sur le plan formel, on lit quelques poèmes à forme fixe (rondels, sonnets, ballades), mais surtout des suites de quatrains, de quintiles ou de sizains.
TOUSSAINT
Je suis allée au bois voir l’automne de près;
Les érables trop fiers de leurs mille nuances,
Les peupliers tremblants aux murmures discrets
Et les pins toujours verts comme au temps des semences.
J’ai senti le bonheur d’être seule un moment
À travers la forêt dont la plainte m’est douce.
J’ai mêlé mes soupirs au souffle du grand vent
Et j’ai perdu mes pas en marchant dans la mousse.
La fin de toute chose est écrite en ce lieu.
Une voix qui s'éteint afflige la nature.
Mon cœur aussi connaît l'automne et la froidure
Mais il poursuit son rêve en regardant les cieux.
Les cieux ! Là rien ne meurt, là, plus rien ne
succombe,
L'ancre qui nous retient est à jamais levé,
Et qu'importent l’automne et le froid et la tombe,
Quand le cœur va s’ouvrir au Dieu qu'il a rêvé.
Merci pour votre blogue. J’apprends le français et c’est très intéressant de découvrir la littérature québécoise.
RépondreEffacerBravo ! Car la langue française est magnifique.
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