Simone Routier, Les
tentations, Paris, Éditions de la Caravelle, 1934, 195 p. (Préface de
Fernand Gregh. Portrait, bandeaux et bois gravés d’André Margat. Couverture et
hors-texte de Bernard Laborie)
Les tentations est un
recueil où le paratexte est très important. Beaucoup de personnes sont
conviées : déjà un préfacier, et deux dessinateurs, mais aussi
d’innombrables dédicaces, de nombreuses citations. Ajoutons les bandeaux, les culs-de-lampe, des dessins hors-textes, un portrait de l’autrice…
et le papier de qualité.
Le recueil est publié en France où Simone Routier (1901-1987)
vivait. Elle travaillait aux Archives du Canada à Paris, comme dessinatrice-cartographe.
Le poète et critique français
Fernand Gregh écrit dans sa préface : « Elle ne sait pas encore choisir : cela
viendra. Mais dans tous j’ai trouvé cette vertu essentielle : la sincérité.
Elle ne dit, mal ou bien, que ce qu’elle ressent. Ses souvenirs de voyage
abondent en trouvailles pittoresques. Mais c’est surtout dans ses poèmes
d’amour que j’ai rencontré les meilleurs morceaux. »
Dans le poème liminaire, adressé
au lecteur, elle présente les deux thèmes de son recueil : « Le Voyage
et l’Amour ne t’invitent-ils pas / D’une voix plus profonde, impérieuse, rauque
/ Que celle de tous les autres chants d’ici-bas? »
Le recueil compte quatre parties
non titrées. La première, la plus volumineuse, rassemble historiettes, saynètes
et instantanés de voyage. L’autrice nous emmène en France, en Espagne, en
Italie et en Afrique du Nord. Elle partage son plaisir de parcourir le monde, de
découvrir de nouvelles villes, de rencontrer de nouvelles personnes.
Description, humour, et beaucoup de poèmes vifs, pleins de finesse. « Mon album de fleurs séchées », par exemple,
esquisse une série de lieux, européens pour la plupart, en associant végétal et
ville. Ainsi sur Barcelone : « Un œillet rouge écrit : / Sang de
señoritas, / Arènes, pesetas, / Picador et combats. / BARCELONE surpris. //
Mais il n’a pas tout dit. / Ajoutez à cela : / Indicible vertige / Du mont
Tibidabo. // Le spectacle est fort beau / Du panier à salade / Qui vous hisse
là-haut; / Mais le plus grand prodige / Est que l’âme nomade / N’y laisse point
ses os. »
Dans la seconde partie, se déploie
une poésie sentimentale assez convenue. Il y a la rencontre : « Tu es
venu et mes yeux se sont ouverts, et la vie, toute la vie, puissante,
troublante et savoureuse est entrée en moi d’un élan éperdu. » L’amour est
vite menacé : « Je pense à ce qu’eût été l’intelligence et la
sensualité de notre bonheur si mon scrupule n’avait tué notre amour
naissant. » La rupture est consommée : « Je sortais d’un passé /
Lucide d’attente et de ferveur / […] / J’avais maintenu si haut mon cœur, / Et
toi, distrait, tu n’as fait que passer ». Remarquez que le vers est plus
ample et libre.
Dans la troisième partie sont
rassemblés une série de poèmes sans liens entre eux : il y a encore des
poèmes d’amour, mais d’autres sur son frère décédé, sur des amitiés, sur son
maitre à penser…
La dernière section propose une
suite de sept sonnets sur « Les tentations de Saint Antoine ». Chacun des poèmes porte sur une tentation. Ça
va de la gourmandise en passant par la richesse jusqu’à la luxure.
La sensualité affleure à
plusieurs endroits : « Résistance : savant émoi / Souplesses / Touchers,
innombrable caresse, / Prends-moi ! ». À quelques reprises, Routier se reproche
d’avoir cédé au scrupule, ce qui ne l’empêche pas de traiter le thème de
l’adultère du point de vue de la maîtresse désirante et sans scrupule. Routier
critique même le puritanisme canadien : « Et lui [l’amant marié] me répétait,
secouant doucement / Mes épaules : "Soyez jeune. Il est beau votre âge. /
Savourez en l’émoi qui passe vivement." / Tandis que s’opposait dans mon
esprit l’image / De mon pays austère et si froid et si sage ! »
Signalons qu’un poème est dédié à
son premier amoureux, Alain Grandbois (vous pouvez lire ce poème ici,
dans un commentaire).
Simone Routier sur Laurentiana
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