Marie-Anne Perreault (madame Elphège Croff), L’enjôleuse, Montréal, Édouard-Garand, 1928, 58 pages + Supplément
de 13 pages (Illustrations d’Albert Fournier) (coll. Le roman canadien no 45)
Dans un rang de Saint-Paulin. Marielle et Marc
sont fiancés. Comme Marc n’a pas un sou qui l’adore, il décide d’aller en ville
pour gagner quelque argent avant d’épouser Marielle. À Québec, il retrouve
Cécile, une amie de Marielle, l’enjôleuse du titre, qui vit chez sa tante et
travaille dans la mode. Marc s’entiche de la ville et demande à Marielle de le rejoindre et de l’épouser. Le père de celle-ci refuse. Il veut qu’elle
continue d’aider sa mère en attendant d’épouser un paysan. Arrive ce qui devait arriver, Marc épouse
Cécile.
Trois années ont passé. Les
événements se bousculent. Cécile, insatisfaite de l’humble vie
qu’il lui offrait, a quitté mari et enfant pour retourner au monde de la mode montréalais. Marc passe à la sauvette chez ses parents pour leur confier la garde de l'enfant. Puisque son frère aîné est marié et qu’il est héritier de la ferme, Marielle, toujours célibataire, s’est trouvé un emploi auprès d’une famille qui vit tout
près. Le retour définitif de Marc ranime en
elle des sentiments qu’elle croyait éteints. Coup de théâtre, Cécile revient,
elle aussi, chez sa mère… mais pour y mourir. La voie étant libre, Marielle
et Marc vont pouvoir se marier.
Pour l’essentiel, c’est un roman
sentimental, avec son triangle amoureux et le triomphe de l’amour « vrai » à la tout fin. Mais ce roman sentimental repose sur un des motifs omniprésents dans le roman
du terroir : l’opposition entre la ville et la campagne. Sans noircir à
l’excès la ville pour mieux embellir la campagne, Croff, par le biais de ses
personnages, fait quand même le choix de la campagne. La vie à la ville est moins dure, plus
brillante, moins monotone, mais futile. Elle jette de la poudre aux yeux, et
cela ne peut pas durer : « Marc voyait maintenant que pour avoir
préféré la ville à la campagne, il avait perdu son bonheur, la tranquillité de sa
vie et fait le désespoir de sa petite amie d’enfance. Les remords remplissaient
son cœur et un désir impérieux de revoir les siens le hantait sans cesse. »
La vie à la campagne est difficile, mais c’est la continuité d’un passé qui
nous rattache aux nôtres : « On ne rompt pas impunément avec tout un
passé de saines traditions et ceux qui piétinent sur place en désirant de
toutes leurs forces « vivre leur vie » en désertant le devoir, se trompent
étrangement. »
Ce qui me surprend toujours chez
Croff, c’est l’omnipotence des pères et l’effacement des mères. Encore ici,
c’est l’éducation molle de sa mère qui a mené l’enjôleuse Cécile à tant de
frivolités : « ma mère a été la première, elle n’a pas su m’élever et
faire de moi un caractère maniable et bon ».
Le roman est divisé en deux
parties et la première nous parvient du point de vue de Marielle, jeune paysanne
très conservatrice. Tout de même, mue par un sentiment amoureux très fort, elle
finit par remettre en question l’autorité du père qui l’empêche d’épouser son
amoureux, sans franchir le pas qui en aurait fait une révoltée. Et surtout,
elle finit par questionner la justice au sein de la famille, elle qui en sera
chassée le jour où une bru rentrera dans la famille : « Marielle était en pleine révolte, la
pieuse Marielle boudait le Bon Dieu, elle boudait la Ste-Vierge qu’elle avait
tant priée pendant sa neuvaine, elle boudait aussi et surtout son père.
Pourquoi ne voulait-il pas lui permettre de s’éloigner un peu et de prendre
l’air de la ville ? Elle se voyait transformée en petite citadine, vêtue comme
une demoiselle et se promenant au bras de Marc... quels petits soupers ils
auraient pu se procurer tous les deux ! et l'ouvrage qu’elle aurait fait à
l’atelier au lieu du travail dur qu’elle accomplissait sur les fermes... pour
les garçons, se disait-elle. »
Comme plusieurs romans du
terroir, Croff agrémente son récit de certaines légendes, de coutumes, de
pratiques agricoles… Ainsi nous avons droit au battage de l’avoine, au foulage
de l’étoffe, aux « burlesqueries » du
mardi-gras, à une histoire de loup-garou, à un mariage à la campagne… Nous
trouvons aussi quelques vieilles expressions qui me semblent désuètes : « les
vieux tablaient le verre en main, prenant le petit coup d’appétit »;
« il fait beau mais ce n’est pas pour longtemps, il y avait trop de
marionnettes hier soir... »;
« pour lui donner du « bras » Philippe lui passait « un petit
coup » de temps en temps ».
Edouard Garand n'était pas l'éditeur le plus rigoureux. Ainsi dans ce roman, le père de Marielle s'appelle souvent Baptiste et parfois Jacques. Pas facile à suivre...
Marie-Anne
Perreault sur Laurentiana
Il faut le faire, se tromper dans le nom des personnages!
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