Arthur Saint-Pierre, La Croche, Montréal, Beauchemin-Bibliothèque
canadienne, 1953, 196 pages.
Nous sommes au début du XXe
siècle. Le récit met en scène trois familles d'agriculteurs : 1) les Labbé (la grand-mère, le père veuf, et ses deux grands enfants : Louise et Charlot); 2) les Girard : (la mère veuve, sa sœur Judith dite La Croche et Albert, le fils fraîchement reçu avocat); 3) les Leroy (les parents, plusieurs enfants dont André, diplômé de l’école d’agriculture).
Louise Labbé a deux prétendants qui sont des amis d'enfance : Albert Girard et André Leroy. Ce dernier est convaincu que Louise préfère Albert. Celui-ci aime bien Louise mais surtout le fait qu'elle va hériter d’une belle dot, ce qui pourrait aider sa famille qui s’est mise dans la dèche pour le faire étudier.
Louise Labbé a deux prétendants qui sont des amis d'enfance : Albert Girard et André Leroy. Ce dernier est convaincu que Louise préfère Albert. Celui-ci aime bien Louise mais surtout le fait qu'elle va hériter d’une belle dot, ce qui pourrait aider sa famille qui s’est mise dans la dèche pour le faire étudier.
Lors de l'épluchette de blé
d'inde annuelle, Louise fait son choix : André. Albert, bien que blessé dans son orgueil, en
prend son parti, mais non sa tante La Croche. Cette vieille fille au corps
difforme (d’où son surnom) a reporté tout son amour sur son neveu. Elle ne
comprend pas que Louise ait pu repousser un futur avocat pour épouser un simple
fermier. Elle veut se venger des Leroy. Comme tout le monde, elle connait les
mauvaises relations de voisinage entre les Labbé et les Leroy; elle sait aussi que
les Leroy vont bûcher tout près de la ligne qui départage les deux terres; en cachette, elle déplace la borne qui
délimite les terrains. Le père Leroy, sûr de ses droits, bûche du bois sur la
terre de son voisin.
Le père Labbé, furieux, décide de
punir ce voisin négligent. S'ensuit une dispute. Les deux en
viennent aux coups, se poursuivent en justice. Entre-temps, la mère d'Albert, criblée de dettes, doit se
résoudre à vendre sa terre à l'encan. André, par amitié pour Albert parti en ville,
se dresse devant un usurier qui espérait obtenir la terre pour une bouchée de
pain. Devant cet acte d’amitié, la Croche est prise de remords. Ayant perdu la
raison, en pleine tempête d’hiver, elle se rend dans la forêt pour remettre en
place la borne. Elle est à moitié morte quand on la ramène à la maison. Elle meurt
quelques heures plus tard après avoir confessé son acte malveillant. En
épilogue, on retrouve Louise et André dans le train qui les amène en Abitibi. Ils
ont choisi ce pays de colonisation pour s’établir.
Arthur
Saint-Pierre possède un curriculum vitae très riche. Il avait 68 ans
lorsqu’il a publié La Croche. J’ai
déjà présenté son recueil de
nouvelles. Publier un roman du terroir dans les années 50, c’est déjà un
anachronisme. Même si St-Pierre n’appuie pas plus qu’il le faut sur la thèse de
l’agriculture salvatrice, il y a quand même une idéalisation du travail agricole
tout à fait caractéristique du genre. Saint-Pierre présente aussi certaines coutumes de l’époque, comme une
épluchette de blé d’inde (lire l'extrait). Et l’essentiel du roman repose sur un schéma très
connu : une jeune fille doit choisir entre un agriculteur et un
professionnel, entre un rat des champs et un rat des villes.
Extrait (une bataille de blé d’inde)
Un instant tout travail est
suspendu. La bataille devient presque générale. Ceux qui ne se battent pas
regardent faire les autres et ponctuent d'exclamations et d'éclats de rire les
coups bien portés.
Il arrive malheureusement que
tous les combattants n'ont pas la même délicatesse, et ne mettent pas le même
soin dans le choix de leurs munitions. Certains, pour satisfaire quelque
mesquine rancune, ou pour le seul plaisir sadique de faire souffrir,
choisissent des bouts d'épis très fermes, aux grains très durs, qui laissent
une marque rouge sur les fronts ou les joues sur lesquels ils sont venus
s'abattre.
Pendant que toute l'assistance
est en joie, et prend part au combat ou le surveille, Louise pousse du coude
ses deux jeunes voisins et leur dit à voix basse:
— J'ai trouvé un épi rouge.
— Donnez, dit Albert impératif,
en tendant vivement la main.
André a fait un geste comme pour
solliciter lui aussi l'épi rouge porteur, pour celui qui le possède, d'un
privilège si convoité, mais décontenancé par la prompte intervention d'Albert
il n'a pas terminé le geste commencé ! Comme toujours, l'assurance du jeune
avocat l'a figé.
Un peu dépitée, mais décidée à
pousser son expérience jusqu'au bout Louise, tournant à demi le dos à Girard,
tend carrément l'épi au jeune cultivateur et lui dit sur un ton de reproche:
— Est-ce que vous n'en voulez pas
?
Ce geste et ces mots ont sur son
trop timide voisin l'effet d'un choc électrique. Vivement il s'empare de l'épi,
le lève au-dessus de sa tête et redressant sa haute taille, il crie de toute la
force de ses vigoureux poumons:
— J'ai trouvé un épi rouge !
Instantanément le tumulte
s'apaise. Mais dès qu'on a pu se rendre compte de ce qui arrive, les
applaudissements, les acclamations, les rires éclatent de toutes parts:
— Embrasse ta blonde !
André, toute sa timidité perdue
dans l'enivrante assurance qui vient de lui être donnée, ne se fait pas prier.
Se penchant vers Louise, rougissante mais pas du tout réfractaire, il dépose
sur sa joue satinée deux baisers retentissants. Puis il se rassoit, heureux
comme jamais il n'aurait cru qu'un homme pouvait l'être et il dit tout bas à
Louise qui le regarde les yeux humides:
— Merci. (pages
87-88)
Aucun commentaire:
Publier un commentaire