2 mai 2025

Moments

Michel Garneau, MomentsMontréal, Éditions D. Laliberté, 1973, 66 p. (Aussi dans : Poésies complètes, 1955-1987, Montréal, Guérin littérature / l'Âge d'homme, 1988, p. 175-249 [768 p.]

L’écriture des premiers recueils de Michel Garneau s’étalent dans le temps. Les poèmes qui composent Moments auraient été écrits entre 1960 et 1973. Aussi, ce recueil apparaît un peu comme un bilan au milieu de la trentaine. Michel Beaulieu ne cache à peu près rien et sa poésie est toute simple, si bien qu’on a l’impression de vivre en direct les confidences d’un copain qui raconte ses hauts et ses bas. Ce recueil suit un fil chronologique, est presque narratif. Je vais résumer grossièrement.

On a droit à quelques chapitres sur son enfance, tel ce cauchemar récurrent qu’il faisait à 12 ans : « et je suis loin de mon assiette / ce que je fais de mieux depuis des mois / c'est un rêve où le malheur est clair / comme de l'eau de rocher / où je marche comme pour le fuir vraiment / tenant par la main le bonheur qui a douze ans / et je m'éveille tout le temps dans le repli / dans le recul et je n'ai plus le temps de sauter / dans les feuilles et c'est cette fois l'automne / sans que j'y sois ».

On se retrouve quelques années plus tard pour assister à une relation amoureuse qui ne va nulle part : « parce qu'en 1960 à ottawa je ne pensais / qu'à la mort me retenais me cantonnais / sans cesse rêvassant aux culs des filles / dans la soûlerie matutinale parfaitement meurtri de malamour marié / père et malheureux comme un fonctionnaire / certain que l'avenir n'était qu'effilochement / coupant comme le tain d'un miroir pété ».

La rupture amoureuse s’ensuit et le deuil est vécu à Paris. Ce qui ressort, c’est le fort sentiment de culpabilité : « et moi je rêve en écrivant / à une petite fille de dix-sept ans / que j'ai malmenée / et je suis un bel écœurant / un homme ordinaire / un bel écœurant ordinaire » Et encore : « ma petite fille me hante / comme un mouchoir de départ derrière mes yeux / comme une fougère pas grandie / qui attend une chanson d'eau ».

Il faudra un retour à Montréal pour voir un homme qui se reconstruit : « il n'y a que l'amour qui corrode la douleur / avec ses belles grandes dents sensuelles / l'amour à pleines dents plein la bouche / mieux que bières et firmaments d'acide / mieux que ruts et sexi-farces / l'amour avec ses abeilles de présence / dans la peau tout entière de l'être ».

Le recueil se termine par un chant d’amour pour sa nouvelle amoureuse. « ton allure ton ballant ton allant / ta démarche bruissante de lumière / que j'ai le goût de célébrer / que j'ai donc le goût de célébrer / ton attention d'écureuille / toute accordée à toutes choses de la vie / à tous gestes des êtres dans la splendeur des sens / mon amour tant exigeante que j'exige tant / oh ton rire devant la beauté / ton rire devant le fleuve / ta tête secouée dedans la pluie / faisant vibrer le prisme de ta chevelure arc-en-ciel / et ton beau grand rire autour du verre de vin / dedans l'ivresse / ton rire dans les fleurs folles de la mescaline / ton rire dans la fourrure fraîche de l'acide / beau jusque dans le sarcasme / et tes sourires que je veux prendre / à jamais entre mes lèvres / que je veux prendre le temps de détailler / un jour comme un ancien comme un classique / puisque ces fleurs de l'arbre de ton silence / sont parmi les plus claires de mes joies ».

Inutile d’en rajouter, le texte parle de lui-même. Allez le lire sur Internet archives.

Michel Garneau sur Laurentiana
Lan ga ge, 1962
Moments, 1973
La plus belle île, 1975
Les petits chevals amoureux, 1977
Élégie au génocide des nasopodes, 1975, 1979

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