Ce recueil est le quatrième ouvrage publié dans les mythiques « Cahiers de la file indienne ». Comme tous les autres, il est magnifiquement illustré, cette fois-ci par l’auteur lui-même.
« L’épanouissement sidéral des gemmes en massif
A puni tout mon être
Narcisse
De mêler l’Amour à la Beauté »
Ce sont les premiers vers du recueil et le reste est à l’avenant. On dirait du Paul Morin à la sauce surréaliste. Déjà, on comprend qu’on voguera dans une mer de symboles, dans laquelle l’Amour et les Beauté sont confondus. L’auteur affectionne les mots rares, exotiques. Juste dans la première page, on a droit à la « sépulcrale opulence des divans de Palmyre », aux « frontispices dressés », à « l’étreinte opiacée des lianes fatidiques ». Et sont convoqués, en plus de Narcisse, Daphné et Pergame.
Même si le recueil est dédié à une femme, il est difficile de ne pas conclure que c’est une quête artistique qui en est le principal enjeu. La femme et le sentiment amoureux sont gommés par d’innombrables métaphores, plus précieuses les unes que les autres. Les références à l’architecture antique (amphore, odalisque, colonnes…), aux pierres précieuses (améthyste, opale, cristal, émeraude, gemme, rubis…) sont constantes.
Le titre traduit bien le propos : le poète n’arrive pas à s’ancrer, le monde extérieur et la femme, sans consistance, semblent constamment lui échapper, d’où l’équilibre illusoire : « Les Sirènes la joie / La mer les passions / Mon être chargé d’illusions de rêves et de lumière / Mon être chargé de fruits de joie comme un fantastique cargo / Mon être tourmenté d’étreintes impossibles ». Ce malaise est parfois tempéré par une vision de la nature : « Il suffit parfois d’un souple arc-en-ciel / D’un simple rayon de lumière lascive / D’un peu d’or / Jouant en des pénombres de corail / Pour changer les aciers despotiques / En ruisseaux emperlés / Rampant sur les cailloux. »
L’impression qui se dégage de l’ensemble, c’est celle d’un être tourmenté, enfermé entre d’ « éternels murs aux volets éternellement clos », dont le malheur n’est pas entendu : « les cris désertiques se font inutilement incantatoires. » Le recueil se termine par le poème « Éclate mon corps » dans lequel le poète essaie de se convaincre qu’il faut oublier le monde extérieur si décevant. On pourrait le lire comme un repli sur soi, ou un retour à soi, comme une projection dans l’univers artistique, source de joie :
O ma joie
Trop rutilante sous les cascades d’azur
S’effondrant lentement dans l’or silencieux
Ma joie trop dressée dans la plaine
joie trop offerte aux adorations
Déesse de chair trop humaine
Trop belle
Reploie-toi comme une fleur
Dans le repli de ces cathédrales d’émeraude.
Parmi les flaques d’or cerclées de jais
Comme des yeux qui ont longtemps pleuré
Cache-toi
Magnifique
Loin des regards cyniquement envieux.
Mythe immortel en renouveau fécond
De t’étreindre toi-même
Dans le silence jaloux
Goûte la joie
O ma joie
O ma déesse
Mortelle beauté.
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