F.-X. Garneau, Voyages, Québec, Imprimerie de Léger Brousseau, 1878, 168 pages. (1ère édition : Voyage en Angleterre et en France, dans les années 1831, 1832 et 1833 - 1855)
F.-X. Garneau (1809-1866) a passé les années 1831 à 1833 en Europe, ce qu’il raconte dans ce livre publié une première fois en 1855. Dans l’édition de 1878, celle que je possède, certains passages ont été supprimés. Comme ces coupures sont signalées dans le livre, on comprend que ce sont souvent la description de villes ou de sites touristiques qu’il a visités.
Une longue dédicace est adressée au docteur Jean Blanchet, doyen de la Faculté de médecine à l'Université Laval de Québec. Garneau précise : « C'était pour observer les résultats de la haute civilisation de l'Europe et les ouvrages de ses plus grands génies, que je passai les mers et visitai Paris et Londres, ces deux Athènes modernes. »
En introduction, il décrit à grands traits un voyage antérieur qui l’a amené en Nouvelle-Écosse, à Boston, à New York et sur les Grands Lacs.
Le départ de Québec vers Londres a lieu le 20 juin 1831 et le 16 juillet, la bateau entrait dans la Tamise. À Londres, sa visite la plus marquante semble être l’église de Westminster. Garneau ne verse pas dans la sentimentalité romantique de son époque. La description est très précise, chiffres, notions d’histoire et d’architecture à l’appui : « L'église de Westminster a 360 pieds de longueur, la chapelle de Henri VII non comprise, et 200 pieds de largeur, dans le transept (…) La nef, très haute, puisque la voûte est à 101 pieds du pavé, est supportée par d'immenses piliers de pierre qui s'élèvent dans les airs en faisceaux de colonnettes, se joignent pour soutenir les galeries suspendues vers leur sommet, se divisent une seconde fois au-dessus de ces galeries, et atteignent enfin la voûte, où elles se perdent en belles nervures blanches. » On peut supposer qu’il a consulté les guides touristiques (ou ce qui en tenait lieu) de l’époque. Il visite beaucoup d’autres sites, mais ce sont les débats à l’abbaye de Westminster, auxquels il assiste à quelques reprises, qui l’ont le plus impressionné. Une constante chez Garneau, c’est l’admiration qu’il voue aux orateurs.
Il découvre une société très hiérarchisée, dans laquelle l’aristocratie a su bien jouer ses cartes pour garder ses privilèges. On pourrait dire qu’il admire l’équilibre que cette société a su créer entre la royauté, l’aristocratie et le peuple, bien qu’il soit conscient que celui-ci est exploité. Il conclut : « Londres est la plus grande ville de l'Europe et la première métropole de la liberté et de l'industrie. C'est là où la liberté est la mieux assise et où l'industrie est la plus vaste et la plus riche. Le sénat et le commerce forment la base de la puissance anglaise. »
Paris constitue la deuxième destination de son voyage européen. Fin juillet, il débarque à Calais et semble étonné par le grasseyement des Calaisiens. Le voyage vers Paris se déroule dans une grande diligence (25 passagers) tirée par six chevaux. Il mentionne, à la manière d’un guide touristique, les lieux qu’il traverse pour arriver à Paris deux jours plus tard. « Je descendis à l'hôtel Voltaire, quai Voltaire, en face de la galerie du Louvre. La Seine seulement nous séparait. » Le jour de son arrivée il peut assister aux réjouissances qui marquent le premier anniversaire de la Monarchie de juillet. Il visite le Louvre, les Tuileries, la Madeleine, les Invalides, Notre-Dame, etc. Il s’intéresse beaucoup à la vie intellectuelle, donc aux Sociétés savantes, aux Académies, aux maisons d’enseignements, aux bibliothèques. Il visite l’édifice de la Bourse, le Jardin des plantes... Et, plutôt que de revenir au Canada comme il était prévu, au terme de sa visite parisienne, il retourne à Londres : Denis Benjamin Viger, agent du Bas-Canada auprès du Gouvernement anglais, l’a engagé comme secrétaire. Ils s’étaient rencontrés quelques semaines auparavant à Londres. Le principal travail de Viger porte sur l’affaire Stuart.
Pendant ses deux années passées à Londres, il participe à la vie intellectuelle. Il s’inscrit dans des « sociétés de discussion » où l’on débat de politique, des affaires de droit… ce qui lui fait prendre conscience du désert intellectuel dans lequel se trouvent les Canadiens français : « Nous ne parlons pas de littérature parce qu'à proprement parler il n'y en a pas encore sur les rives du Saint-Laurent, où la ruine et l'oubli ne tardent pas d'accueillir ceux qui osent s'y livrer. » Grâce à Viger, il rencontre plusieurs hommes importants, hommes qu’il estime. Il lit Byron et Lamartine. Il se montre très sensible aux revendications nationalistes des Polonais exilés à Londres. Il devient même membre de la Société littéraire des amis de la Pologne. Il rencontre quelques compatriotes dont Isidore Bédard, avec lequel il devient ami.
Il quitte Londres le 29 avril 1833. Pendant le voyage de retour, qui va durer 50 jours, l’équipage affronte une violente tempête : « Des vents de tempête plus constants et presque toujours contraires, succédant à ces premiers caprices, soulevèrent enfin complètement les flots. Toutes les voiles hautes avaient déjà été serrées et tous les ris pris dans les voiles basses. Nous étions lancés sur la cîme de vagues, puis précipités dans les gorges profondes qui les séparaient. Notre vaisseau battu par la mer qui jaillissait jusqu'au haut de nos voiles et roulait ensuite sur le pont, semblait une frêle nacelle sur cet océan tumultueux. La tempête dura deux ou trois jours avec fureur, au bout desquels elle s'apaisa graduellement. »
Ce livre est plus qu’un récit de voyage. Garneau a quand même passé deux ans dans la société anglaise. On peut même dire qu’il s’en est imprégné. Ce qui peut étonner à la lecture de ce livre, outre la froideur de Garneau, c’est le peu de références faites à la situation politique effervescente du Bas-Canada.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire