Jean-Guy Pilon, Solange, Montréal, Éditions du Jour,
1966, 116 p. (coll. Les romanciers du jour R19)
Pierre
et Solange forment un couple depuis deux ans. Pierre croit que Solange lui est
redevable, parce qu’il l’a «secourue» à la suite d’un divorce qui l’avait laissée devant rien. Il l’a aidée à trouver
un travail, il l’a encouragée (mais pas trop!) dans sa carrière d’artiste, bref il
prétend que c’est grâce à lui, à sa pondération, si la vie de sa compagne est
équilibrée. Ils n’habitent pas ensemble,
se voient de temps à autre ce qui convient à Pierre.
Il faut le dire, cet avocat est l’être le plus routinier qui
soit. Sans être satisfait de sa vie, il se contente de ce qu’il a. Un jour, ô
surprise, il décide de partir en vacances.
Seul. Il arrive sur l’île Palmas, hors saison. Là, il fréquente un peu
les bars, se lie d’amitié avec un pêcheur et avec sa femme de chambre, Pilar. Il échange quelques
lettres plutôt dures avec Solange, quand il finit par comprendre
qu’elle veut le quitter. Sans qu’il le sache, on commence à faire courir des bruits
sur ses supposées relations avec Pilar, sa femme de chambre. Même le curé
intervient. Son ami pêcheur l’invite en excursion et il comprend que c’est lui
qui a lancé les rumeurs sur son compte, pour se venger, car il est amoureux de Pilar. Une bagarre éclate dans la barque et le
pêcheur se noie. Pierre se dépêche de ramasser ses affaires et de rentrer au
pays. Se sentant coupable, semblant comprendre où sa médiocrité l’a mené, il se
retrouve seul dans sa chambre. Il a sorti son revolver et l’a déposé sur son
bureau. Le roman se termine sans qu’on
sache s’il va l’utiliser.
Pierre peut faire penser à Meursault, mais plus encore au
Jodoin de Bessette. C’est un être sans
envergure, désabusé, qui se contente de vivre. Ni heureux ni malheureux, il refuse
tout engagement qui pourrait perturber
sa petite existence. Pour arriver à ses fins et pour maintenir Solange dans son
giron, il la manipule, joue sur ses sentiments, lui fait croire qu’elle
n’arrivera à rien sans lui. Tout doit tourner autour de sa petite personne, ce
qui est bon pour lui devrait l’être pour les autres. C’est un pervers
narcissique.
Le roman de Pilon est écrit de la façon la plus réaliste qui
soit. Au point de vue psychologique, le récit souffre de certains raccourcis. Par exemple, rien ne nous prépare au changement radical de Solange à l'égard de Pierre. Il suffit qu’il s’éloigne, il lui suffit de deux petites semaines pour
réaliser enfin qu’elle n’a rien à faire avec cet homme.
Ce roman est très en-dessous de tout ce que Pilon a pu faire en poésie.
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