Louis Fréchette
(traducteur), Une rencontre, roman de
deux touristes sur le Saint-Laurent et le Saguenay, Montréal, Société des
publications françaises, 1893, 132
pages. (A chance acquaintance, William Dean Howells, 1873)
Comment expliquer que Louis Fréchette se soit lancé dans la traduction de ce roman ?
Rappelons d’abord qu’il a vécu 5 ans au Michigan après ses études, d'où sa connaissance de la langue anglaise. Pour le
reste, c’est une affaire de famille. Achille, le frère de Louis Fréchette,
épouse Annie Howells, la sœur de William, en 1877. Et comment expliquer la
connaissance du Québec de William Dean Howells (1837-1920) ? Son père a été consul à Québec dans les
années 1870.
La famille du Dr Jack Alisson a fui le Sud ségrégationniste pour l’État
de New York. Après la mort de sa femme, le vieux Jack s’est beaucoup attaché à
sa nièce Kitty qui est venue habiter avec lui. Ses autres enfants sont déjà
mariés. Un de ceux-ci, Dick, et sa femme Fanny, entreprennent un voyage en
vapeur qui les amènent à Niagara, Montréal et Québec. Kitty les accompagne.
Lors d’une randonnée de quelques jours sur le Saguenay, Kitty fait la rencontre
de Miles Auburton, un Américain de Boston, que tout le monde imagine Anglais,
tant il est snob, froid. Une relation distante s’établit entre eux, même si tout les sépare. Pour Auburton, cette fille et sa famille lui semblent
« infréquentables ». Fanny, s’étant blessé, la famille doit prolonger
son séjour à Québec. Et contre toute attente, Auburton décide d’y rester aussi.
Il a beau lutter contre lui-même et ses préjugés, il est amoureux de Kitty. Pendant
quelques semaines, les deux arpentent en tout sens la ville de Québec et les
environs. La fin du séjour étant proche, Auburton demande Kitty en mariage. Il lui avoue son amour sur tous les tons, mais celle-ci hésite, consciente de
leur différence de classes sociales. Quand elle est toute prête à accepter de l’épouser,
un événement lui ouvre les yeux : lors d’une visite, Auburton rencontre
deux vieilles amies de la « haute société » de Boston. Plutôt que de leur présenter sa future épouse, il la laisse poireauter à l’écart, faisant semblant de ne
pas la connaitre. Kitty, malgré ses protestations, met fin à la relation. Elle a compris que ses préjugés de classe sont
plus forts que tout le reste.
L’intrigue
repose sur une histoire sentimentale à la Jane Austen. Mais, selon moi, là
n’est pas l’essentiel pour le lecteur québécois. Il ne me semble pas avoir lu
un roman qui mette autant en valeur la ville de Québec. Bien entendu, l’angle n’est pas celui de Lemelin, qui décrit le tissu social. Disons que Dean
Howells est en admiration devant la vieille ville, son histoire, ses monuments,
son architecture. « Jamais ville ne fut plus minutieusement explorée; mais
aussi nulle ville n’est plus féconde en objets intéressants. » Il ne parle pour
ainsi dire pas des Québécois eux-mêmes, même s’il aime le caractère français de
Québec. Il prête ces paroles à Kitty : « Je suis triste et indignée
de ce qu’on ait ainsi enlevé Québec aux Français, après tout ce qu’ils avaient
fait pour le construire. Mais c’est encore une ville bien française sous tous
les rapports. » On trouve beaucoup de descriptions précises des
attraits touristiques de Québec, de la citadelle à la cathédrale en passant par
les jardins des Ursulines. Son regard est beaucoup moins sympathique lorsqu’on
s’éloigne de Québec, surtout lors du voyage qu’ils font au Saguenay et dont
la destination est la Baie des Ha Ha. Le vapeur passe par La Malbaie, Cacouna,
Tadoussac, tous des lieux fréquentés par les touristes américains, mais rien de
tout cela ne semble émouvoir Howells. Il n’y voit que froideur (on est à la fin
d’août), pauvreté, misère.
Extraits
« Par-dessus
le beffroi de la caserne, nos fenêtres commandent une vue de la moitié de
Québec avec ses toits et ses clochers étagés en pente jusqu’à la basse-ville où
ils se mêlent aux pointes aiguës des mâts de navires à l’ancre, et l’on
découvre en même temps toute la plaine qui monte des bords de la rivière
coulant au fond de la vallée, jusqu’à la chaîne de montagnes qui borde
l’horizon, et dont les plis bleuâtres sont éclairés çà et là par de petits
villages tout blancs. La plaine est parsemée de maisonnettes et émaillée de
champs cultivés; et les fermes distinctement divisées, s’étendent à droite et à
gauche de grandes routes bordées de peupliers, tandis que, près de la ville, le
chemin circule à travers de jolies villas. »
« Je
marche pour ainsi dire enveloppée dans un nimbe romanesque. A chaque coin de
rue vous rencontrez des gens qui paraissent n’avoir rien autre chose à faire
qu’à inviter le romancier de passage à entrer dans leurs maisons afin de
prendre leurs portraits pour en faire des héros et des héroïnes. Et pour cela
point de changement de costume; ils n’ont qu’à poser comme ils sont. Or puisque
tel est le présent, pas besoin de vous dire que tout le passé de Québec
n’aspire qu’à être transformé en romans historiques! »
Tolfrey, dans Un artistocrate au Bas-Canada nous laisse avec un chapitre captivant de l'hiver à Québec...
RépondreEffacerJ'imagine que vous avez lu, mais ça serait certainement dans vos cordes : https://www.erudit.org/fr/revues/rs/1980-v21-n3-rs1554/055909ar.pdf