Paul Gouin, Médailles anciennes.
Poèmes historiques, Éditions du Mercure, Montréal, 1927, 172 pages. (Illustré
de 28 dessins et ornements de Jean Palardy)
Drôle de projet que celui de Paul
Gouin, journaliste, politicien. Il a choisi 23 personnages historiques de
l’époque de la Nouvelle-France, la plupart très connus, et il leur a consacré
un poème. Rien de si rare, allez-vous penser. Là où son projet devient
intéressant, c’est qu’il fait précéder chacun des poèmes d’un extrait
historique qui met en scène le personnage choisi.
Parmi les personnages très connus,
citons Champlain, Maisonneuve, Jean Talon, Frontenac, Louis Hébert, Michel
Sarrazin, Marguerite Bourgeoys, Jean de Brébeuf, Mgr de Laval, Kateri
Tekakwitha, Dollard des Ormeaux, Lambert Closse, Madeleine de Verchères, Bigot, Montcalm, Lévis.
Les personnages moins
célèbres : Mère de Saint-Joseph, Bénigne Basset, Jeanne Le Ber, Cadieux, Vauquelain, Paradis, Madame de Péan.
En somme, des découvreurs,
des administrateurs, des religieux, des militaires, des personnages de légende,
un médecin, un cultivateur, une Autochtone, quelques aventuriers, soit 17
hommes et 6 femmes.
On pourrait penser qu’on va lire
un autre recueil qui donne dans la veine patriotique. Indirectement, il est
vrai que cet étalage de héros favorise « l’amour de la patrie ». Mais
Gouin n’a pas l’écriture patriotique de Fréchette. Son style est sobre, et
disons-le, élégant, bien tourné. Il n’empêche qu’on se retrouve souvent avec
les « bons » Français contre les « méchants » Anglais
ou Iroquois.
Gouin s’immisce dans la tête du
héros, essaie d’épouser son point de vue, d’emprunter son regard : par
exemple, il décrit Mgr de Laval quand il arrive devant Québec. Parfois, il choisit un détail de la figure
historique retenue : par exemple, il saisit Jean Talon en train d’écrire
un madrigal à une nonne.
Le recueil est dédicacé à son père
à qui [il] doi[t] tout » et « à [s]a femme, [s]on inspiratrice de chaque jour
». L’édition est de qualité. On n’a pas lésiné sur les illustrations et le papier
est du « vélin couché crème ».
FRANÇOIS de LAVAL
Sur les flots miroitants, comme un oiseau lassé,
Refermant lentement la blancheur de ses ailes,
Le navire du Roi dans la rade a glissé . . .
C’est l'heure où sur Québec, l'or du couchant ruisselle;
Figure sombre auprès des habits chamarrés,
Le prêtre, dominant son escorte à la proue,
Vers la ville a tourné son visage éthéré,
Plus irréel encor dans la lumière floue . . .
Au pied du roc casqué, couronné de son fort,
Le jour, qu’aide l'éclat des voiles et de l'onde
Qui blanchit les brisants, comme d'un glaive d'or,
Résiste au soir d’un long rayon de clarté blonde . . .
Mais l’ombre, surgissant de son rideau d'instants,
S'empare pas à pas du fleuve et des nacelles
Et repousse le jour vers la côte où s’étend,
De gradins en gradins, la Ville-Sentinelle . . .
Bientôt le soir s'élance à l'attaque des quais,
Et rongeant routes et maisons, une par une,
Escalade le cap, les remparts, les bosquets . . .
Et cette vision de Québec, toute brune,
Sur un ciel de printemps strié comme un émail
D'or, de vert, d'orange, au prêtre qu’immobilise
Un son lointain de cloche, a semblé le vitrail,
Symbolique et troublant, de quelqu’immense église!
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