Pays Gleba (Arthur Prévost), La lignée, Sorel, Édition du princeps,
1941, 71 pages.
On avait Jean Duterroir et Jean de la Glèbe, voici Pays Gléba, nom d’emprunt du
journaliste et auteur Arthur Prévost (lire cet article d’Alain Stanké).
Le roman de Prévost apparaît assez tardivement dans le courant du
terroir. Disons-le d’emblée, il présente de sérieuses lacunes à tout point de
vue. L’édition est très modeste, probablement un compte d’auteur. Chacun des
chapitres est précédé de quelques citations empruntées à Jean Giono. La copie
presque phonétique du langage des paysans rend la lecture parfois difficile.
Ceci dit, l’auteur connaît beaucoup de vieilles expressions qui pourraient
intéresser les linguistes.
Onésiphore Terrien (ne vous fiez pas au jeu de mots, le roman n’est pas
humoristique) possède une terre qui a toujours appartenu à ses ancêtres. Vieux
et veuf, il fait donation à son fils aîné Onésime qui doit en retour assurer
ses vieux jours. Celui-ci entend dire que certains compatriotes sont partis en
Alaska et en sont revenus couverts d’or. Un automne, trois ans après son
mariage, plutôt que de prendre la route des chantiers, il décide d’aller tenter
sa chance au Klondike. Il en revient un an plus tard, enrichi, mais entre-temps
sa femme enceinte est morte avant même d’avoir mis au monde son enfant. Peu
importe, un an plus tard il épouse sa belle-sœur Malvina. Comme il est riche,
il doit s’occuper de son argent et il néglige sa terre. En fait, il est toujours
en ville pour affaires. Sa femme, inquiète de le voir seul dans un tel lieu de
perdition, lui propose de vendre la terre et de déménager à Québec. Quand le
vieux Onésiphore apprend la nouvelle, il argumente tant qu’il peut pour que son
fils change d’idée. Rien n’y fait, celui-ci est bien décidé. Le vieux en meurt.
On y trouve tous les clichés agriculturistes : le mariage du paysan
avec sa terre, le lien entre la terre et le divin, le chapelet des générations,
le devoir de mémoire, le désir du descendant mâle, la femme procréatrice, la
ville corrompue...
La seule particularité du roman, c’est l’insistance sur
l’incompatibilité entre la terre et l’argent. Mais encore une fois, c’est une
vieille idée que les terroiristes ont développée pour garder les paysans en
dehors des villes, canadiennes ou américaines.
Extraits
« On aime la terre ou on aime l’or.
Il est impossible d’aimer les deux à la fois.
Le cultivateur a beau être riche de terre, de
soleil, de liberté, il n’est jamais riche d’or. Il sait que l’or, ça ne vaut
rien. L’étalon-or ne l’intéresse pas, l’étalon tout court, oui. » (p. 19)
« Son homme, trop occupé par la question monétaire
néglige celle qui a nourri toute la lignée. Cette pauvre terre soupire en
silence de ne pas être fécondée, de pas être déchirée par le socle de la charrue, comme
elle l’a été depuis de très nombreuses années. Son sein ne renferme plus les
produits qui la gonfle; orgueilleuse de son utilité, de son indispensabilité.
Onésime néglige autant sa femme que sa ferme.
C’est à peine s’il a le temps de songer à se faire des héritiers. Depuis trois
ans qu’il est marié Malvina, elle ne lui a donné qu’une fille, Marie-Blanche, à
peine âgée d’un an. » (p. 44)
« L’or qui empêche la multiplication des sillons, des terres, des
enfants, des familles, des paroisses. » (p. 48)
« Ce soir-là, la terre ne procure aucune jouissance, c’est qu’on la
trompe, elle, la terre, elle qui pendant des années se laissa féconder en
souriant pour enfanter le pain de l’hostie comme le pain de ménage, sans jamais
regimber, en acceptant toujours son lot.
C’est que la terre tient rancune, elle tient rancune tant qu’on a pas
fait la paix avec elle; tant qu'on ne l’a pas aidée à remplir la tâche qu’elle
a à faire dans la création, la création perpétuelle. » (p. 60)
« Les gens d’la ville sont des dévergondés, des galvaudeux, des
fainéanteux, des gambardeux. » (p. 63)
L’auteur cite Savard et Ringuet.
Il décrit une soirée d’élection.
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