Maurice Beaulieu, À glaise fendre, Montréal, s. e., 1957, 52 p.
Beaulieu
dédie À glaise fendre à sa femme. Le
livre compte quatre parties, la première qui a donné son titre au livre faisant
la moitié du recueil : À glaise fendre,
Deux chansons, Transhumance, Connaissance.
« Nuit
dure dans mon sang / Vomissure noire du vent / Il gèle à glaise fendre ».
Ainsi va le premier poème d’À glaise
fendre et il est à l’image de ce qui va suivre. Les poèmes sont très courts
(plusieurs n’ont que deux vers), le « je » est presque toujours
présent, le climat est plutôt morose, le vocabulaire est restreint. Les
principaux motifs sont déjà donnés : d’une part le sang et la glaise, d’autre
part le vent et le froid, et au final, le mal-être. Ainsi va le troisième
poème : « Je suis au bout du vent / Le cri du sang ». Plus loin,
en toute logique, on retrouve la douleur, les veines, la toundra, la mort. Bien
que l’on soit plus près du corps que de l’âme, le poète trouve une
représentation de sa douleur dans l’imagerie religieuse : « Au noir
flanc nu du Christ en moi / Amas d’informe et aux abois / Corps inédit sans
rédemption ». Tout comme le sang, la glaise est aussi un symbole de son
être, les deux étant menacés par le vent et le froid, comme dans ce poème d’un
seul vers : « Ma glaise nue à tous les vents » ou encore dans
ces deux vers : « Ma douleur est si près de moi / Que j’habite ma
glaise ». On n’aborde presque
jamais le réel et ces deux vers font exception : « Dans une rue de
Montréal / J’allais pleurant contre le vent ».
Dans Deux chansons, les poèmes sont plus légers. « C’est la saison de l’ancolie » et
« Les jeunes filles du village / Ont à jamais des robes neuves ».
Transhumance propose quatre poèmes sur
le thème du passage. Le sujet se projette dans de nouvelles représentations métonymiques
: les mains, et, dans une moindre mesure, le corps. Comme le titre le
suggère, le poète recherche les rites de passages dans ces mains qui
façonnent la glaise : « Mes mains pétries de vent de pluie / Mes
mains de fou creusent ma glaise ».
Dans
Connaissance, apparaît l’autre, le « tu »,
objet d’amour. « Tu es froment de nudité / Silencieuse plénitude / Mon
sang et chair solitude / À la tendresse dédiée ». Et même le
« Nous », présence rédemptrice : « Nos mains unies parmi le
vent / Sont lieu de grâce pour ma glaise ».
Plusieurs
mots reviennent de façon obsessive, comme chez André du Bouchet, parfois même à
l’intérieur du même poème. Même si le « je » est très présent, cette
poésie n’est guère lyrique. Le sujet se projette sur le monde extérieur, sans
effusion, avec une grande économie de mots. Et, pour une fois, c’est le corps qui
survit à la dualité corps-âme, chère aux poètes des années 50. « J’odore
le froment de ta nudité / O ma fusante de sel ». J’aime bien.
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