Arthur Saint-Pierre, Des nouvelles, Montréal, Bibliothèque canadienne, 1928, 195 pages.
Arthur Saint-Pierre, sociologue de formation, nationaliste, défenseur de l’église et du terroir, a écrit plusieurs livres, mais un seul proprement littéraire, intitulé un peu bêtement Des nouvelles.
Arthur Saint-Pierre, sociologue de formation, nationaliste, défenseur de l’église et du terroir, a écrit plusieurs livres, mais un seul proprement littéraire, intitulé un peu bêtement Des nouvelles.
Le mendiant fleuri
Un mendiant quête devant un grand magasin de la rue Saint-Catherine. Il n'a presque rien du mendiant, tant ses manières sont distinguées; mais sa politesse et sa discrétion ne le servent guère, car il meurt de faim. On est en décembre et il n’a pas mangé depuis quelques jours. Passe une jeune demoiselle qui lui fait souvent l’aumône. Il s’avance au-devant d’elle, mais une petite bouquetière s’interpose et c’est elle qui recueille l’aumône. Le mendiant, lui, ne reçoit qu’une fleur. Or cette jeune fille, qui a connu des amours difficiles, s’imagine que le mendiant est amoureux d’elle. Le lendemain, elle le cherche, voulant vérifier son charme. Elle apprend, via le journal, qu’on l’a retrouvé mort gelé, une fleur à la boutonnière.
L’esprit est prompt
Après avoir quitté le noviciat pour des raisons de santé (on lui a dit qu’il lui restait deux ans à vivre), Pierre Lemay traverse une période difficile. Pour égayer sa vie, il se met à sortir. Il rencontre plusieurs filles, mais ne s’engage pas jusqu’à ce qu’il tombe amoureux de Rose, une jeune fille un peu vulgaire qui se fait toute doucereuse pour l’amour de ses beaux yeux. À cause de sa maladie, il n’ose s’aventurer avec elle dans le mariage. Un de ses amis, qui ne croit pas à sa maladie, essaie de lui forcer la main : il se met à courtiser Rose, juste pour le rendre jaloux. C’est le contraire qui se produit : Pierre, n’ayant pas compris le jeu, abandonne la jeune fille et la recommande à son ami, qui finit par l’épouser. Dès le mariage consommé, la jeune fille lui mène une vie d’enfer. Pierre, toujours bien vivant, se dit qu’il y a échappé belle. Rassuré sur sa santé, il retourne au noviciat.
Vouloir inutiles
Jean et Alice, voisins de paliers, s’aiment depuis leur plus tendre enfance. Le père de Jean est un artiste, celui d’Alice, un homme d’affaires. Celui-ci fait un gros coup d’argent. Et tout d’un coup, les parents d’Alice ne trouvent plus que Jean ferait un bon mari pour leur fille à moins qu’il oublie la littérature et qu’il s’engage dans une profession d’ingénieur, ce qu’il fait. Il travaille si fort qu’il mine sa santé et qu’il en meurt. La jeune fille, inconsolable, traine sa peine. Elle rencontre un avocat qui est fou d’elle. Lors d’une promenade sur le Saint-Laurent, leur bateau chavire et c’est en pensant à Jean qu’elle est engloutie par les flots.
Petites histoires un peu trop moralisatrices. Saint-Pierre manque de métier (narration amateure), mais l’écriture est vive. On se dit qu’il aurait pu devenir un bon écrivain, s’il y avait mis plus de temps et s’il avait donné à ses récits de véritables enjeux.
Extrait
Le hasard d'un double déménagement les avait faits voisins. Partis, les Duroc des extrémités est de la ville, les Cartier des extrémités ouest, ils étaient venus, la même année, occuper rue St-Hubert, non loin de la rue Dorchester, les deux logements d'une maison en pierre d'apparence confortable avec son étage mansardé et sa large galerie qui en barrait toute la façade.
Alice avait dix ans. Jean en avait douze. Entre eux avait surgi dès leur première rencontre une sympathie forte, exquise, d'une nature rare dont ils goûtaient intensément la singulière douceur. C'était sans doute l'intimité coutumière qui s'établit si facilement entre les enfants mais avec, en plus, quelque chose de bien difficile à définir, qui donnait à leurs relations un caractère tout particulier, dont ils n'auraient su retrouver l'équivalent dans leurs rapports avec leurs autres compagnons de jeux, même les plus aimés.
Aucune familiarité n'y entrait, mais un respect instinctif, une confiance entière, un abandon plein de dignité et de charme. Ils s'aimaient avec un mélange étonnant d'émotions et de sentiments, les uns de leur âge, les autres anticipant sur l'avenir: avec une candeur enfantine et une pudeur d'adolescence; avec une tranquillité ingénue, que la passion sensuelle n'avait pas effleurée, et une force, une profondeur que même l'âge d'aimer n'apporte pas souvent; avec un esprit de douze ans et un cœur de vingt ans.
Qui avait commencé? Ils auraient été bien en peine de le dire, mais sûrement dès leur première entrevue ils s'étaient mis à parler de leur futur mariage comme d'une chose entendue, fixée, irrévocable, ne souffrant ni discussion, ni doute. (Début de « Vouloirs futiles », p. 107-108)
Un mendiant quête devant un grand magasin de la rue Saint-Catherine. Il n'a presque rien du mendiant, tant ses manières sont distinguées; mais sa politesse et sa discrétion ne le servent guère, car il meurt de faim. On est en décembre et il n’a pas mangé depuis quelques jours. Passe une jeune demoiselle qui lui fait souvent l’aumône. Il s’avance au-devant d’elle, mais une petite bouquetière s’interpose et c’est elle qui recueille l’aumône. Le mendiant, lui, ne reçoit qu’une fleur. Or cette jeune fille, qui a connu des amours difficiles, s’imagine que le mendiant est amoureux d’elle. Le lendemain, elle le cherche, voulant vérifier son charme. Elle apprend, via le journal, qu’on l’a retrouvé mort gelé, une fleur à la boutonnière.
L’esprit est prompt
Après avoir quitté le noviciat pour des raisons de santé (on lui a dit qu’il lui restait deux ans à vivre), Pierre Lemay traverse une période difficile. Pour égayer sa vie, il se met à sortir. Il rencontre plusieurs filles, mais ne s’engage pas jusqu’à ce qu’il tombe amoureux de Rose, une jeune fille un peu vulgaire qui se fait toute doucereuse pour l’amour de ses beaux yeux. À cause de sa maladie, il n’ose s’aventurer avec elle dans le mariage. Un de ses amis, qui ne croit pas à sa maladie, essaie de lui forcer la main : il se met à courtiser Rose, juste pour le rendre jaloux. C’est le contraire qui se produit : Pierre, n’ayant pas compris le jeu, abandonne la jeune fille et la recommande à son ami, qui finit par l’épouser. Dès le mariage consommé, la jeune fille lui mène une vie d’enfer. Pierre, toujours bien vivant, se dit qu’il y a échappé belle. Rassuré sur sa santé, il retourne au noviciat.
Vouloir inutiles
Jean et Alice, voisins de paliers, s’aiment depuis leur plus tendre enfance. Le père de Jean est un artiste, celui d’Alice, un homme d’affaires. Celui-ci fait un gros coup d’argent. Et tout d’un coup, les parents d’Alice ne trouvent plus que Jean ferait un bon mari pour leur fille à moins qu’il oublie la littérature et qu’il s’engage dans une profession d’ingénieur, ce qu’il fait. Il travaille si fort qu’il mine sa santé et qu’il en meurt. La jeune fille, inconsolable, traine sa peine. Elle rencontre un avocat qui est fou d’elle. Lors d’une promenade sur le Saint-Laurent, leur bateau chavire et c’est en pensant à Jean qu’elle est engloutie par les flots.
Petites histoires un peu trop moralisatrices. Saint-Pierre manque de métier (narration amateure), mais l’écriture est vive. On se dit qu’il aurait pu devenir un bon écrivain, s’il y avait mis plus de temps et s’il avait donné à ses récits de véritables enjeux.
Extrait
Le hasard d'un double déménagement les avait faits voisins. Partis, les Duroc des extrémités est de la ville, les Cartier des extrémités ouest, ils étaient venus, la même année, occuper rue St-Hubert, non loin de la rue Dorchester, les deux logements d'une maison en pierre d'apparence confortable avec son étage mansardé et sa large galerie qui en barrait toute la façade.
Alice avait dix ans. Jean en avait douze. Entre eux avait surgi dès leur première rencontre une sympathie forte, exquise, d'une nature rare dont ils goûtaient intensément la singulière douceur. C'était sans doute l'intimité coutumière qui s'établit si facilement entre les enfants mais avec, en plus, quelque chose de bien difficile à définir, qui donnait à leurs relations un caractère tout particulier, dont ils n'auraient su retrouver l'équivalent dans leurs rapports avec leurs autres compagnons de jeux, même les plus aimés.
Aucune familiarité n'y entrait, mais un respect instinctif, une confiance entière, un abandon plein de dignité et de charme. Ils s'aimaient avec un mélange étonnant d'émotions et de sentiments, les uns de leur âge, les autres anticipant sur l'avenir: avec une candeur enfantine et une pudeur d'adolescence; avec une tranquillité ingénue, que la passion sensuelle n'avait pas effleurée, et une force, une profondeur que même l'âge d'aimer n'apporte pas souvent; avec un esprit de douze ans et un cœur de vingt ans.
Qui avait commencé? Ils auraient été bien en peine de le dire, mais sûrement dès leur première entrevue ils s'étaient mis à parler de leur futur mariage comme d'une chose entendue, fixée, irrévocable, ne souffrant ni discussion, ni doute. (Début de « Vouloirs futiles », p. 107-108)
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