17 avril 2008

Le Château des illusions

Laperle-Bernier, Albertine, Le Château des illusions, Montréal, Chez l’auteur, 1949, 188 p.


Étant à l’hôpital, André demande à son ami Geoffroi Vigeant, un célibataire endurci, de le remplacer auprès de Gisèle Marion lors d’un mariage. Geoffroi connaît cette fille et n’est pas insensible à ses charmes, même s’il s’en défend, réputation oblige. Tout se passe plutôt bien entre eux, Geoffroi étant même sous le charme de la jolie demoiselle, jusqu’à ce qu’un invité, ennemi de Geoffroi, lui apprenne qu’il est l’objet d’un coup monté auquel aurait collaboré André : Gisèle aurait parié avec ses amis qu’il la demanderait en mariage en moins d’un an. Il va sans dire que Geoffroi est froissé, voire surpris qu’André et cette jeune fille, qui semble sérieuse, donnent dans de telles manigances. Plutôt que de fuir ou de faire un esclandre, il décide de jouer le jeu, voire d’en prendre le contrôle. Bien mal lui en prend, car c’est lui qui est pris au piège : il revoit souvent la jeune fille, car il en est amoureux. Leur relation est toujours un peu tendue, il va sans dire, ce que Gisèle ne comprend pas. Et un jour, il en a assez de ce qu’il considère sa fausseté : pour l’humilier, il la jette à l’eau. Elle doit regagner la rive par ses propres moyens. La rupture semble consommée, même s’il est amoureux comme jamais de sa Gisèle. Il finit par revoir son ami André, par s’ouvrir à lui et par constater qu’il était dans l’erreur. Lui et Gisèle ne l’ont jamais trahi! Comment reconquérir la jeune fille qui, d’ailleurs, semble avoir disparu? Il se rend chez ses parents et apprend qu’elle a été très malade, suite à une chute dans un lac. Il persiste, lui envoie des fleurs, lui écrit et finalement la belle Gisèle vient le rejoindre au Château des illusions, le nom de la propriété qu’un riche oncle lui a léguée.

Bien entendu, il faut lire un tel roman pour ce qu’il est. Si on accepte le jeu, une fois rentré dedans, il suffit de se laisser aller, de ranger son sens critique. C’est un roman Harlequin avant la lettre. C’est confortable comme… du sable mouvant. C’est collant... comme de la barbe à papa. J’ai omis de résumer une histoire secondaire concernant les parents de Gisèle et ceux de Geoffroi, liés entre eux dans le passé. Personne ne le déplorera, j’en suis sûr. **

Extrait
Le ciel était gris, chargé de lourdeur. « II va pleuvoir, se disait-il en regardant les nuages se masser les uns contre les autres. Bientôt plus un coin du ciel bleu n'apparaîtra. » Sans goût, Geoffroi quitta son poste et monta le petit chemin, à pas lents. Devant l'imposant tableau du colosse endormi, il s'arrêta. Il pensait à Gisèle. L'esprit très absorbé par ses souvenirs, il ne détourna pas la tête lorsqu'il entendit le souffle haletant de Pataud qui revenait se placer près de lui, guettant un geste, un regard qui se faisaient attendre.
— Pataud !... Pataud ! criait une voix qui fit bondir le sang du jeune homme.
C'est elle ! songeait-il, en se retournant vivement.
— Vous, Gisèle ! Vous, ici ! prononça-t-il, le cœur rempli d'un bonheur sans mélange.
En souriant, elle descendait vivement le chemin et, dans une attitude naturellement charmante, elle lui tendit la main. Il s'en empara passionnément. Sans même songer aux conséquences de son acte, ivre de joie, il l'attira doucement. Un long moment, il la tint enlacée sur sa poitrine, sentant battre son cœur. La tête appuyée sur les beaux cheveux de soie, qui embaumaient ses lèvres d'une suave odeur de lilas frais, il murmura :
— Je savais que vous viendriez. Je vous attendais.
— Pourquoi avoir tant retardé à écrire cette lettre? dit-elle, d'un ton boudeur en le forçant doucement à dégager son étreinte.
— Pourquoi ! Mais je croyais que vous me détestiez ! Je croyais vous avoir perdue à jamais. Ah ! Gisèle, vous ne savez pas combien je suis heureux de vous voir là près de moi. C'est le plus beau jour de ma vie. Venez ... vous asseoir là, fit-il, en l'entraînant vers un banc rustique. Il l'attira tendrement dans ses bras.
Elle souriait des yeux.
— Moi ! vous détester ... murmura-t-elle.
— Vous me pardonnez ? ...
— Je n'ai pas à vous pardonner. Vous avez agi en croyant me remettre une blague que je n'ai pas commise, il est vrai... mais vous étiez sincère.
— Comment ! Vous savez donc que ? ...
— J'ai rencontré votre ami André, par un pur hasard, dans un thé chez Madame Orner Marignan, il m'a tout raconté.
—Comment !...
— Chut! fit-elle, en lui posant un doigt sur les lèvres. J'ai promis le secret. Il vous savait malheureux à cause de moi. C'est un brave cœur.
— Je vous aime Gisèle !
— Je vous aime aussi, fit-elle, en lui offrant ses lèvres pour un premier baiser.
Il sentait monter en lui un bonheur ineffable, basé sur son amour infini pour celle qu'il tenait tendrement blottie contre son cœur. (p. 185-187)

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