Germaine Guèvremont, avant sa mort, a apporté un certain nombre de modifications à son roman. Entre autres, elle a supprimé deux pages dans le dernier chapitre, lorsque Didace va rencontrer le curé Lebrun pour discuter de son futur mariage. Vous le savez, le curé veut l'intéresser à un article paru dans un vieux journal retrouvé par hasard. Dans la version originale, on avait droit à l'article et il se lisait comme suit :
HÉRITIER RECHERCHÉ
La déposition du testament olographe de feu Malcolm McDowey, au greffe du protonotaire du district de Québec, a révélé que la famille Espéry de Lignères est à la recherche d'un de ses membres disparu depuis près de huit ans, Malcolm-Petit, légataire principal de M. McDowey.
La succession McDowey est l'une des plus importantes, vues à Québec, en ces dernières années. Elle comprend d'immenses concessions forestières et des scieries. Cet empire industriel fut édifié par feu Malcolm McDowey qui vint au Canada d'Écosse, soixante-dix ans passés. Le jeune émigrant n'atteignait pas alors la vingtaine. Comme à tant de ses compatriotes, la forêt canadienne lui fut un enchantement. Associé d'abord à Abraham Petit durant les luttes épiques qui suivirent l'abolition des lois mercantiles, il fit preuve du sens des affaires de ceux de sa race et la société Petit & McDowey devint l'une des plus considérables du pays. Beaucoup plus jeune que Petit, McDowey en épousa la fille unique. De cette union naquit une fille qui épousa le seigneur Espéry de Lignères, lequel mourut peu d'années après ce mariage, laissant une fille et deux fils, Charles et Malcolm-Petit. Mme de Lignères succomba elle-même, à un âge peu avancé. M. McDowey décédait, il y a quelques mois, dans sa quatre-vingt- dixième année.
Cette nouvelle rappellera sans doute des souvenirs à ceux dont la jeunesse s'écoula dans la capitale, autour de 1900. Malcolm Petit de Lignères -- ou Marc Delignères comme il signait démocratiquement -- reste une des figures les plus pittoresques des débuts du siècle. Élevé par son aïeul Malcolm McDowey dont il était le petit-fils préféré, il débuta dans la vie sous les plus heureux auspices. Après avoir suivi les leçons particulières d'un précepteur, il passa directement à l'étude du droit à l'Université McGill où il se distingua tant par ses exploits dans tous les sports, boxe, lutte, rugby, hockey, que par les hautes marques qu'il décrocha dans la plupart des matières.
Quelques mois avant de terminer son droit au grand scandale des autorités il abandonnait ses études et épousait une jeune Québécoise issue d'une famille égale à la sienne. Malcolm de Lignères se lança alors dans le journalisme politique. On lui prédisait un brillant avenir comme journaliste et comme politique. A toutes les réunions, il était ce que nos grands-pères nommaient un « lion ». Tout lui réussissait.
Puis, un jour, il y a près de huit ans, Malcolm de Lignères disparut, sans raisons apparentes. Des personnes dignes de foi prétendent l'avoir reconnu à divers endroits du pays, et même de l'étranger, mais dans des situations qui laissent rêveur.
Malcolm-Petit de Lignères serait-il atteint d'amnésie ? C'est l'opinion de sa famille. Voici la description qu'on peut faire du disparu: âgé d'une trentaine d'années, mesurant cinq pieds, onze pouces et pesant environ cent quatre-vingts livres. Il a les cheveux roux, les yeux pâles et le nez irrégulier.
Une généreuse récompense est promise à qui fournira au sujet du disparu des renseignements sérieux. On est prié d'adresser toute correspondance à case postale 243, Haute Ville, Québec.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire