Harry Bernard, La maison vide, Montréal, Bibliothèque de l’Action française, 1926, 203 pages.
François Dumontier est traducteur aux Débats à Ottawa. Il a épousé la fille d’un ancien député. Celle-ci va d’une sortie sociale à l’autre, tout occupée à bien paraître dans la société des hauts fonctionnaires qui gravitent autour du monde politique. Avec eux vivent, leurs deux grandes filles, qui sont à l’image de leur mère, et leur fils Jules, un être faible qui suit le courant pour ne pas être laissé en arrière. Leur vie est faite de sorties mondaines : concert, musée, réunions politiques, réceptions, cinq à sept… François Dumontier déplore ce mode de vie et refuse de s’y soumettre, si bien qu’il se retrouve la plupart du temps seul à la maison avec la vieille servante métis qui s’occupe de l’ordinaire. Depuis peu, vit aussi avec eux, une nièce, Marthe. Déjà orpheline de mère, elle vient de perdre son père, un prof aux HEC à Montréal. Au début, elle est peu encline à suivre ses cousines, mais finit par se laisser prendre, elles aussi, aux jeux de la séduction et des rencontres sociales.
Le roman raconte l’éclatement de la cellule familiale. « Toute femme sans tendresse constitue une monstruosité sociale, encore plus que tout homme sans courage. » (p. 184) Voilà à peu près la thèse de l’auteur. Raymonde, la plus vieille des filles, finit par se marier en cachette avec un Anglais protestant et fuit en Ontario. La deuxième, Gisèle, continue de courir les mondanités. Le fils, léger et insignifiant, se contente d’un petit travail dans une banque. Par contre, Marthe lutte pour se reprendre en mains, pour quitter cette vie dissolue, ce qui la rapproche de son oncle.
Dumontier, malheureux, se sent de plus en plus étranger dans sa propre maison et s’interroge sur sa responsabilité dans cette déchéance familiale. Heureusement qu’il y a sa nièce Marthe pour lui tenir compagnie et le conseiller ! Il finit par couper les vivres à sa femme, espérant la ramener au foyer, ce qui ne fait qu’élargir le fossé qui les sépare. Dépité, Dumontier commence, lui aussi, à sortir et à boire. Assez rapidement, plein de remords, il essaie de retrouver le droit chemin. Incapable de régler le problème à sa convenance, il trouve une solution qui apaise sa conscience : « La souffrance est une des conditions de la vie, elle purifie les hommes pour le ciel. » (p. 186) Et il conclut : « Je ne discernais pas que la victoire morale, sur soi-même, est autrement importante que l’imposition, autour de soi, d’une volonté qu’on peut croire souveraine, et qui est souvent médiocre. » (p. 188) Ainsi résoudra-t-il sa crise morale. Marthe, elle, prenant en contre-exemple la famille de son oncle, « « comprend son devoir de femme » et accepte d’épouser Henri Bégin, un jeune homme qu’elle avait repoussé. « Elle consentait au sacrifice, qui n’était en somme qu’un acte de renoncement. » (p. 197)
Je ne suis pas très friand des idées de l’auteur. L’idée, que le père est un chef de famille qui doit montrer des valeurs morales exemplaires, est fréquente dans les romans des années 1920. Le dénouement est vraiment trop moralisateur. L’idée très judéo-chrétienne qu’il faut souffrir, que la souffrance purifie, qu’elle nous rapproche de Dieu devait sans doute plaire au chanoine Groulx. Rappelons que Bernard était un collaborateur de L’Action française. La fin ne règle pas le conflit du couple Dumontier : tout plaidait pour le divorce, mais on choisit la souffrance et l’abnégation. Cette histoire me fait penser à Poussière sur la ville, roman publié par André Langevin dans les années 1950. Si je me rappelle bien, le héros finit aussi par choisir le renoncement.
Roman urbain ? Ottawa est décrit. Roman de mœurs? Le milieu des fonctionnaires est bien mis en scène. Roman psychologique ? Sans doute en partie. On a accès aux interrogations intérieures de François Dumontier et de Marthe. Disons que ce roman est plus « moderne » que la plupart de ceux publiés dans les années 20. Il annonce la tentative de renouvellement du roman amorcée par Albert Lévesque au début des années 1930.
Harry Bernard critique sévèrement la femme qui n’est pas une vraie mère et une épouse. C’est à elle de faire en sorte que la maison soit habitée. « …Partout où il y a un foyer heureux, il y a une femme oublieuse de soi… » (René Bazin en exergue au roman) C’est elle plutôt que son mari qui aurait dû faire preuve d’abnégation, ce qu’enseignait l’église. Voilà des propos d’un autre siècle. On pourrait faire beaucoup de rapprochements avec L’Homme tombé que j’ai déjà présenté dans ce blogue.
Harry Bernard sur Laurentiana
Dolorès
Juana mon aimée
La Dame blanche
L’Homme tombé
La Ferme des pins
La Maison vide
La Terre vivante
Les Jours sont longs
François Dumontier est traducteur aux Débats à Ottawa. Il a épousé la fille d’un ancien député. Celle-ci va d’une sortie sociale à l’autre, tout occupée à bien paraître dans la société des hauts fonctionnaires qui gravitent autour du monde politique. Avec eux vivent, leurs deux grandes filles, qui sont à l’image de leur mère, et leur fils Jules, un être faible qui suit le courant pour ne pas être laissé en arrière. Leur vie est faite de sorties mondaines : concert, musée, réunions politiques, réceptions, cinq à sept… François Dumontier déplore ce mode de vie et refuse de s’y soumettre, si bien qu’il se retrouve la plupart du temps seul à la maison avec la vieille servante métis qui s’occupe de l’ordinaire. Depuis peu, vit aussi avec eux, une nièce, Marthe. Déjà orpheline de mère, elle vient de perdre son père, un prof aux HEC à Montréal. Au début, elle est peu encline à suivre ses cousines, mais finit par se laisser prendre, elles aussi, aux jeux de la séduction et des rencontres sociales.
Le roman raconte l’éclatement de la cellule familiale. « Toute femme sans tendresse constitue une monstruosité sociale, encore plus que tout homme sans courage. » (p. 184) Voilà à peu près la thèse de l’auteur. Raymonde, la plus vieille des filles, finit par se marier en cachette avec un Anglais protestant et fuit en Ontario. La deuxième, Gisèle, continue de courir les mondanités. Le fils, léger et insignifiant, se contente d’un petit travail dans une banque. Par contre, Marthe lutte pour se reprendre en mains, pour quitter cette vie dissolue, ce qui la rapproche de son oncle.
Dumontier, malheureux, se sent de plus en plus étranger dans sa propre maison et s’interroge sur sa responsabilité dans cette déchéance familiale. Heureusement qu’il y a sa nièce Marthe pour lui tenir compagnie et le conseiller ! Il finit par couper les vivres à sa femme, espérant la ramener au foyer, ce qui ne fait qu’élargir le fossé qui les sépare. Dépité, Dumontier commence, lui aussi, à sortir et à boire. Assez rapidement, plein de remords, il essaie de retrouver le droit chemin. Incapable de régler le problème à sa convenance, il trouve une solution qui apaise sa conscience : « La souffrance est une des conditions de la vie, elle purifie les hommes pour le ciel. » (p. 186) Et il conclut : « Je ne discernais pas que la victoire morale, sur soi-même, est autrement importante que l’imposition, autour de soi, d’une volonté qu’on peut croire souveraine, et qui est souvent médiocre. » (p. 188) Ainsi résoudra-t-il sa crise morale. Marthe, elle, prenant en contre-exemple la famille de son oncle, « « comprend son devoir de femme » et accepte d’épouser Henri Bégin, un jeune homme qu’elle avait repoussé. « Elle consentait au sacrifice, qui n’était en somme qu’un acte de renoncement. » (p. 197)
Je ne suis pas très friand des idées de l’auteur. L’idée, que le père est un chef de famille qui doit montrer des valeurs morales exemplaires, est fréquente dans les romans des années 1920. Le dénouement est vraiment trop moralisateur. L’idée très judéo-chrétienne qu’il faut souffrir, que la souffrance purifie, qu’elle nous rapproche de Dieu devait sans doute plaire au chanoine Groulx. Rappelons que Bernard était un collaborateur de L’Action française. La fin ne règle pas le conflit du couple Dumontier : tout plaidait pour le divorce, mais on choisit la souffrance et l’abnégation. Cette histoire me fait penser à Poussière sur la ville, roman publié par André Langevin dans les années 1950. Si je me rappelle bien, le héros finit aussi par choisir le renoncement.
Roman urbain ? Ottawa est décrit. Roman de mœurs? Le milieu des fonctionnaires est bien mis en scène. Roman psychologique ? Sans doute en partie. On a accès aux interrogations intérieures de François Dumontier et de Marthe. Disons que ce roman est plus « moderne » que la plupart de ceux publiés dans les années 20. Il annonce la tentative de renouvellement du roman amorcée par Albert Lévesque au début des années 1930.
Harry Bernard critique sévèrement la femme qui n’est pas une vraie mère et une épouse. C’est à elle de faire en sorte que la maison soit habitée. « …Partout où il y a un foyer heureux, il y a une femme oublieuse de soi… » (René Bazin en exergue au roman) C’est elle plutôt que son mari qui aurait dû faire preuve d’abnégation, ce qu’enseignait l’église. Voilà des propos d’un autre siècle. On pourrait faire beaucoup de rapprochements avec L’Homme tombé que j’ai déjà présenté dans ce blogue.
Harry Bernard sur Laurentiana
Dolorès
Juana mon aimée
La Dame blanche
L’Homme tombé
La Ferme des pins
La Maison vide
La Terre vivante
Les Jours sont longs
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