Eugène Achard, Les naufrages du St-Laurent, Montréal, Librairie générale canadienne, 1943, 128 pages. (Illustrateur non identifié)
Achard a souvent repris des histoires qui avaient été publiées dont il faisait des condensés pour la jeunesse. Son public cible était l’élève de la fin du primaire ou du début du secondaire. Le style de l’auteur se démarque par sa simplicité et son efficacité. Dans le présent recueil, il raconte quatre naufrages, les deux premiers étant très connus. Ce sont des récits historiques, racontés sans lourdeur, dont le sujet contient un contenu dramatique qui peut retenir l’attention du jeune lecteur… ou d’un adulte pressé.
Le naufrage de « La Renommée » sur les Côtes de l’Île d’Anticosti en 1736 a déjà fait l’objet d’un livre signé par le père Crespel, le principal protagoniste du récit. (voir ici) Faucher de Saint-Maurice en a fait aussi la narration dans De tribord à bâbord en 1877. Le sujet : des naufragés passent tout un hiver sur l’Île d’Anticosti avant de rejoindre la Côte-Nord au printemps.
Le naufrage de la flotte de l’amiral Walker sur les récifs de l’Île-aux-œufs en 1711 a aussi été raconté par Faucher de Saint-Maurice dans De tribord à bâbord en 1877. Walker, venu pour attaquer Québec, perd l’essentiel de sa flotte par une nuit de tempête sur des récifs de la Côte-Nord et n’a d’autres choix que de rentrer bredouille en Angleterre.
Un naufrage dans le golfe Saint-Laurent en 1780 est moins connu. On est en pleine guerre d’Indépendance des États-Unis. Le récit est raconté au « je » puisque Achard avoue s’être « inspiré » du journal laissé par l’officier S. W. Prentice. Celui-ci avait été chargé par le gouverneur Haldimand, posté à Québec, de rejoindre les forces britanniques à New York pour leur communiquer le plan des actions militaires à venir. Le départ de la mission a lieu en novembre 1780. Le navire fait naufrage et les 16 rescapés se retrouvent sur l’Île du Cap-Breton. Un petit détachement, parti à la recherche d’une présence humaine, au bout de quelques mois, finit par rencontrer des Autochtones qui les sauvent d’une mort certaine. Après un séjour de deux mois à Halifax, Prentice finit par joindre New York et par transmettre les documents dont il était porteur.
Le naufrage de l’Empress of Irland en 1914. Le récit est on ne peut plus sommaire. Un reportage journalistique de 7 pages. L’Empress of Irland, parti de Québec le matin même, entre en collision avec un charbonnier devant Rimouski à cause de la brume. Le bateau coule en 10 minutes et 1030 personnes périssent.
Extrait
C’est donc avec cette misérable ration d’un quart de livre de bœuf par jour pour six semaines, un frêle esquif revêtu d’un enduit incertain, que la moindre vague, le moindre vent pourrait renverser, le moindre écueil mettre en pièces; c’est au milieu de masses énormes de glaces flottantes, sur une plage inconnue, semée de rochers, et à l’époque la plus rigoureuse de l’année, que nous allions tenter une entreprise dont seul un désespoir aveugle avait pu inspirer le projet. Mais nous étions rendus à ce point, qu’il était moins téméraire d’affronter tous les dangers possibles, avec la plus faible lueur d’espérance, que de s’exposer, par une lâche inaction, au danger presque inévitable de périr de misère et de faim, dans ce lieu inhabité.
L’année 1781 venait de s’ouvrir sur notre triste position. Notre dessein était de partir le jour suivant, 2 janvier, mais un vent fougueux qui venait du golfe, nous retint jusqu’à l’après-midi du 4. Son impétuosité s’étant alors calmée, nous embarquâmes nos provisions, avec quelques livres de chandelle, ainsi que les petits effets qui pourraient nous être utiles et nous prîmes congé de nos compagnons qui avaient ordre de quitter le camp en laissant une note, si quelque opportunité favorable se présentait à eux. (p. 89-90)
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