Marcel Dubé, Le Temps des lilas, Montréal, Leméac, 1972, 177 pages. (Présentation de la pièce : Maximilien Laroche) (1re édition : Institut littéraire, collection «Théâtre Canadien», 1958)
Pièce en trois actes et sept tableaux, Le Temps des Lilas fut « créée à l’Orphéum de Montréal, le 25 février 1958 par le Théâtre du Nouveau-Monde ». Elle a été jouée en Belgique et en France. Elle fut portée à l’écran en 1962 et reprise dans Le Monde de Marcel Dubé, avec l’inoubliable Huguette Oligny dans le rôle de Blanche.
ACTE I
C’est le mois de mai, le mois de Marie. Les lilas vont fleurir. Blanche et Virgile, dans la soixantaine avancée, tiennent une pension. Ce vieux couple a eu la douleur de perdre leur fils unique à la guerre. Les quatre locataires leur tiennent lieu de famille. Johanne, leur préférée, est une jeune fille naïve qui s’est amourachée de Roméo, un « bum » qui profite de ses largesses. Marguerite, la vieille fille près de la quarantaine, craint que son Horace lui fasse faux bond. Par tous les moyens, elle essaie de le forcer à l’épouser. Enfin, Vincent, le locataire arrivé récemment, est un artiste désabusé qui se moque gentiment des autres locataires.
ACTE II
Deux jours et une pluie plus tard : les lilas sont fleuris. Virgile apprend que la ville veut l’exproprier pour élargir la rue. On découvre le passé de Vincent : il aurait fait cinq ans de prison en raison de ses activités politiques; il aurait également connu plusieurs expériences amoureuses, sans jamais y trouver le bonheur. Horace revient du travail. Il a obtenu son augmentation. Il emmène Marguerite au restaurant. Il lui promet le mariage, mais le soir même, après lui avoir fait l’amour, il la quitte. Quant à Johanne, elle revoit Roméo et se rend compte qu’elle ne l’aime plus. Elle se laisse courtiser par Vincent.
ACTE III
Deux jours plus tard. Déjà les lilas se fanent. L’estimateur fait une offre alléchante à Virgile, qui la refuse. Pendant que Blanche, Virgile et Johanne assistent au mois de Marie, Marguerite, un peu saoule, tente de séduire Vincent, puis Roméo. Repoussée, elle monte à sa chambre et se pend. Au retour du mois de Marie, Johanne se laisse embrasser par Vincent. Elle se prépare à se donner à lui quand elle découvre le corps de Marguerite. Une semaine passe. Vincent a disparu. Johanne part à son tour : elle vole au secours de sa mère malade. Blanche réussit à convaincre Virgile de tout faire pour repousser l’échéance de leur éviction.
Comme beaucoup d’histoires des années cinquante, l’intrigue se termine par un suicide. Le bonheur ne dure que le temps des lilas. Les personnages se leurrent quand ils essaient de tromper leur solitude dans l’amour : les couples ne sont jamais bien assortis, l’amour est volage, les hommes sont lâches… et refusent de s’engager. Comme si ce sentiment appartenait déjà à une autre époque… Seul espoir, l’amour du vieux couple persiste, mais ce bonheur craque de toute part, menacé par la solitude, par l’obligation de déménager, probablement à l’hospice.
Extrait : SCÈNE IV - Vincent, Johanne
VINCENT — Les lilas s'en vont déjà !
JOHANNE — Je me demande pourquoi ils ne durent pas plus longtemps ?
VINCENT — Tout ce qui est beau est éphémère.
JOHANNE — Tu as passé la soirée seul ?
VINCENT — Pardon ?
JOHANNE — Je te demande si tu as passé la soirée seul ?
VINCENT — J'essayais depuis longtemps de m'imaginer comment ça sonnerait si on se tutoyait. Je croyais aussi que ce serait très difficile entre toi et moi.
JOHANNE — II faut essayer une fois, après, ça va tout seul.
VINCENT — J'ai passé la soirée à me promener, ici et là. A t'attendre. J'avais besoin de ta fraîcheur autour de moi. (Elle se dirige vers la balançoire.)
JOHANNE, voyant le journal — Tu as lu ton journal aussi ?
VINCENT — Oui.
JOHANNE — Des nouvelles tristes ?
VINCENT — Comme d'habitude.
JOHANNE — Avant toi, on ne voyait jamais les journaux traîner dans le jardin.
VINCENT — Veux-tu déjà changer ma façon de vivre parce qu'on se dit tu ? Nous allons retourner au vous.
JOHANNE — Non, ne change plus maintenant.
VINCENT — Sais-tu une chose ? On devient prisonnier de ce jardin.
JOHANNE — Tu ne m'apprends rien. C'est un endroit de la ville où je me sens si heureuse, si tranquille.
VINCENT — Tu es heureuse ici parce que tu te sens forte et à l'abri de tout. Mais moi, je suis inconfortable entre toi et les fleurs.
JOHANNE — Qu'est-ce que tu proposes?
VINCENT — Qu'on sorte un peu.
JOHANNE — Tu n'aimes pas être prisonnier, hein ?
VINCENT — Je n'en ai pas l'habitude.
JOHANNE — C'est pour ça que je t'aime ... Embrasse-moi ... (Il l'embrasse.) Mieux que ça. Ça c'est comme l'autre soir. (Il l'embrasse encore.) Je t'aime, emmène-moi n'importe où... veux-tu être mon amant ?
VINCENT — Tu as appris ce que c'était ?
JOHANNE — Tu vas me l'apprendre. Où m'emmènes-tu, ce soir ?
VINCENT — Je ne sais pas.
JOHANNE — Je voudrais aller dans un club.
VINCENT — Quel club?
JOHANNE — N'importe lequel. Je ne suis jamais allée dans un club.
VINCENT — Ce n'est pas tellement intéressant.
JOHANNE — Ça m'est égal, tu seras avec moi.
VINCENT — Moi je te propose une promenade sur le port et dans le vieux quartier de la ville.
JOHANNE — J'accepte ... Je monte à ma chambre, je me mets du rouge et j'emporte un chandail.
VINCENT — Tu crois que ce sera nécessaire ?
JOHANNE — Oui. (Elle se dirige vers l'escalier, se ravise et revient sur ses pas.) Embrasse-moi ! (Il l'embrasse.) Merci... Quand j'aurai du rouge sur les lèvres, tu ne pourras plus m'embrasser. (Et elle monte à l'étage supérieur. Vincent s'approche du lilas et en hume le parfum. Soudain Johanne laisse entendre un cri à l'étage du haut.)
Pièce en trois actes et sept tableaux, Le Temps des Lilas fut « créée à l’Orphéum de Montréal, le 25 février 1958 par le Théâtre du Nouveau-Monde ». Elle a été jouée en Belgique et en France. Elle fut portée à l’écran en 1962 et reprise dans Le Monde de Marcel Dubé, avec l’inoubliable Huguette Oligny dans le rôle de Blanche.
ACTE I
C’est le mois de mai, le mois de Marie. Les lilas vont fleurir. Blanche et Virgile, dans la soixantaine avancée, tiennent une pension. Ce vieux couple a eu la douleur de perdre leur fils unique à la guerre. Les quatre locataires leur tiennent lieu de famille. Johanne, leur préférée, est une jeune fille naïve qui s’est amourachée de Roméo, un « bum » qui profite de ses largesses. Marguerite, la vieille fille près de la quarantaine, craint que son Horace lui fasse faux bond. Par tous les moyens, elle essaie de le forcer à l’épouser. Enfin, Vincent, le locataire arrivé récemment, est un artiste désabusé qui se moque gentiment des autres locataires.
ACTE II
Deux jours et une pluie plus tard : les lilas sont fleuris. Virgile apprend que la ville veut l’exproprier pour élargir la rue. On découvre le passé de Vincent : il aurait fait cinq ans de prison en raison de ses activités politiques; il aurait également connu plusieurs expériences amoureuses, sans jamais y trouver le bonheur. Horace revient du travail. Il a obtenu son augmentation. Il emmène Marguerite au restaurant. Il lui promet le mariage, mais le soir même, après lui avoir fait l’amour, il la quitte. Quant à Johanne, elle revoit Roméo et se rend compte qu’elle ne l’aime plus. Elle se laisse courtiser par Vincent.
ACTE III
Deux jours plus tard. Déjà les lilas se fanent. L’estimateur fait une offre alléchante à Virgile, qui la refuse. Pendant que Blanche, Virgile et Johanne assistent au mois de Marie, Marguerite, un peu saoule, tente de séduire Vincent, puis Roméo. Repoussée, elle monte à sa chambre et se pend. Au retour du mois de Marie, Johanne se laisse embrasser par Vincent. Elle se prépare à se donner à lui quand elle découvre le corps de Marguerite. Une semaine passe. Vincent a disparu. Johanne part à son tour : elle vole au secours de sa mère malade. Blanche réussit à convaincre Virgile de tout faire pour repousser l’échéance de leur éviction.
Comme beaucoup d’histoires des années cinquante, l’intrigue se termine par un suicide. Le bonheur ne dure que le temps des lilas. Les personnages se leurrent quand ils essaient de tromper leur solitude dans l’amour : les couples ne sont jamais bien assortis, l’amour est volage, les hommes sont lâches… et refusent de s’engager. Comme si ce sentiment appartenait déjà à une autre époque… Seul espoir, l’amour du vieux couple persiste, mais ce bonheur craque de toute part, menacé par la solitude, par l’obligation de déménager, probablement à l’hospice.
Extrait : SCÈNE IV - Vincent, Johanne
VINCENT — Les lilas s'en vont déjà !
JOHANNE — Je me demande pourquoi ils ne durent pas plus longtemps ?
VINCENT — Tout ce qui est beau est éphémère.
JOHANNE — Tu as passé la soirée seul ?
VINCENT — Pardon ?
JOHANNE — Je te demande si tu as passé la soirée seul ?
VINCENT — J'essayais depuis longtemps de m'imaginer comment ça sonnerait si on se tutoyait. Je croyais aussi que ce serait très difficile entre toi et moi.
JOHANNE — II faut essayer une fois, après, ça va tout seul.
VINCENT — J'ai passé la soirée à me promener, ici et là. A t'attendre. J'avais besoin de ta fraîcheur autour de moi. (Elle se dirige vers la balançoire.)
JOHANNE, voyant le journal — Tu as lu ton journal aussi ?
VINCENT — Oui.
JOHANNE — Des nouvelles tristes ?
VINCENT — Comme d'habitude.
JOHANNE — Avant toi, on ne voyait jamais les journaux traîner dans le jardin.
VINCENT — Veux-tu déjà changer ma façon de vivre parce qu'on se dit tu ? Nous allons retourner au vous.
JOHANNE — Non, ne change plus maintenant.
VINCENT — Sais-tu une chose ? On devient prisonnier de ce jardin.
JOHANNE — Tu ne m'apprends rien. C'est un endroit de la ville où je me sens si heureuse, si tranquille.
VINCENT — Tu es heureuse ici parce que tu te sens forte et à l'abri de tout. Mais moi, je suis inconfortable entre toi et les fleurs.
JOHANNE — Qu'est-ce que tu proposes?
VINCENT — Qu'on sorte un peu.
JOHANNE — Tu n'aimes pas être prisonnier, hein ?
VINCENT — Je n'en ai pas l'habitude.
JOHANNE — C'est pour ça que je t'aime ... Embrasse-moi ... (Il l'embrasse.) Mieux que ça. Ça c'est comme l'autre soir. (Il l'embrasse encore.) Je t'aime, emmène-moi n'importe où... veux-tu être mon amant ?
VINCENT — Tu as appris ce que c'était ?
JOHANNE — Tu vas me l'apprendre. Où m'emmènes-tu, ce soir ?
VINCENT — Je ne sais pas.
JOHANNE — Je voudrais aller dans un club.
VINCENT — Quel club?
JOHANNE — N'importe lequel. Je ne suis jamais allée dans un club.
VINCENT — Ce n'est pas tellement intéressant.
JOHANNE — Ça m'est égal, tu seras avec moi.
VINCENT — Moi je te propose une promenade sur le port et dans le vieux quartier de la ville.
JOHANNE — J'accepte ... Je monte à ma chambre, je me mets du rouge et j'emporte un chandail.
VINCENT — Tu crois que ce sera nécessaire ?
JOHANNE — Oui. (Elle se dirige vers l'escalier, se ravise et revient sur ses pas.) Embrasse-moi ! (Il l'embrasse.) Merci... Quand j'aurai du rouge sur les lèvres, tu ne pourras plus m'embrasser. (Et elle monte à l'étage supérieur. Vincent s'approche du lilas et en hume le parfum. Soudain Johanne laisse entendre un cri à l'étage du haut.)
Je me souviens d'avoir vu cette pièce à l'émission "Les Beaux Dimanches". Ce devait être au début des années 70. D'ailleurs, je crois que l'émission de Radio-Canada avait emprunté son titre à une autre des pièces de Dubé qui était alors le dramaturge québécois le plus connu. On ne le joue plus beaucoup maintenant.
RépondreEffacerJean-Louis,
RépondreEffacerGrâce à vous je me plonge dans mes souvenirs, car j'avais monté un extrait de cette pièce quand j'étais en cinquième secondaire... il y a bien longtemps de cela!
C'est une pièce que j'ai particulièrement aimée de Marcel Dubé. Il serait tellement bon de revoir cette pièce, il faut dire que les comédiens étaient fabuleux ! Et que dire de la musique de Claude Léveillée...
RépondreEffacerNostalgie...