Léo D’Yril (Émile Venne), Symphonies, Montréal, Déom, 1919, 232 pages. (Illustrations d’Émile Venne)
Ne vous fiez pas au nombre de pages. Le recueil ne compte pas plus de 50 courts poèmes (ils auraient tenu dans une plaquette), répartis en six parties : « Le secret du cygne», « Le secret du paon», « Le secret du phalène », « Le secret des fauvettes », « Le secret de l’albatros », « Le secret que je garde ». Pour ceux et celles qui l’ignorent, la parution de ce recueil donna lieu à un moment fort dans la querelle des Régionalistes et des Exotiques. Même si Émile Venne tente d’inscrire son œuvre sous l’égide de Paul Morin, il me semble que sa poésie intimiste est beaucoup plus près de celle d’Albert Lozeau, sans en avoir la qualité.
Le grand, pour ne pas dire le seul thème de ce recueil, c'est l’amour. C'est particulièrement vrai dans la première partie intitulée « Le secret du Cygne ». Dans des poèmes d’amour légers, tout légers, fleurissent les rêves de bonheur, le plaisir de voir l’aimée s’avancer, telles une petite fée ou une reine. « Je vis ta bouche rouge, au milieu de tes joues. / Le soir où je quittai le palais du bonheur,— / Tu souriais,— / Et j'aurais dû cueillir, au milieu de tes joues, / Ce baiser qui s'offrait comme une rare fleur... // Mais j'ai craint que mon sang, débordant sous la joie, / Fît éclater soudain mes artères en fou... / Tu souriais,— / Alors je pris ta main, et, comprimant ma joie, / J'y reposai ma lèvre et l'y retins un peu!... » (Idéal)
Ne vous fiez pas au nombre de pages. Le recueil ne compte pas plus de 50 courts poèmes (ils auraient tenu dans une plaquette), répartis en six parties : « Le secret du cygne», « Le secret du paon», « Le secret du phalène », « Le secret des fauvettes », « Le secret de l’albatros », « Le secret que je garde ». Pour ceux et celles qui l’ignorent, la parution de ce recueil donna lieu à un moment fort dans la querelle des Régionalistes et des Exotiques. Même si Émile Venne tente d’inscrire son œuvre sous l’égide de Paul Morin, il me semble que sa poésie intimiste est beaucoup plus près de celle d’Albert Lozeau, sans en avoir la qualité.
Le grand, pour ne pas dire le seul thème de ce recueil, c'est l’amour. C'est particulièrement vrai dans la première partie intitulée « Le secret du Cygne ». Dans des poèmes d’amour légers, tout légers, fleurissent les rêves de bonheur, le plaisir de voir l’aimée s’avancer, telles une petite fée ou une reine. « Je vis ta bouche rouge, au milieu de tes joues. / Le soir où je quittai le palais du bonheur,— / Tu souriais,— / Et j'aurais dû cueillir, au milieu de tes joues, / Ce baiser qui s'offrait comme une rare fleur... // Mais j'ai craint que mon sang, débordant sous la joie, / Fît éclater soudain mes artères en fou... / Tu souriais,— / Alors je pris ta main, et, comprimant ma joie, / J'y reposai ma lèvre et l'y retins un peu!... » (Idéal)
Dans « Le secret du paon », l’appel à l’amour, la recherche du bonheur se teintent de dépit, de tristesse amoureuse. « Les larmes et les pleurs ont brûlé ma paupière. / Mon plus beau soir d'amour fut ma seule prière... / Je n'ai pas su garder le joyau de ces jours, / Qui, du temps, fut la proie, aigle ou triste vautour. » (J’eus de ces mornes soirs).
Le ton devient à peine plus grave dans « Le secret des phalènes ». Le poète s’interroge sur le bonheur, sur sa fragilité, sur le souvenir qu’il en reste. « Une amourette passe, et sans traces s'éteint /[...] Et ce qui reste après : un souvenir, un rien! »
Dans « Le secret des fauvettes », le contenu amoureux est enrichi de certaines explorations formelles, concernant le rythme et la musicalité : « Le vent siffle et geint au bord de la route / Et dans La forêt. / Au long de la route, / Au bord des forêts, / Le vent se plaint. // Les amoureux vont au bord de la route. / Au long des forêts, / Au bord de la route, / Vont les amoureux. // Le vent chante et rit au bord de la route / Et dans la forêt. / Au long de la route, / Au bord des forêts, / Le vent chante et rit! » (Légende).
Rien de très neuf dans « Le secret de l’albatros », sinon un certain apaisement. « Tombe, tombe la neige, / Tombe sur mon rêve, / A jamais, sans trêve, Tombe et t'accumule... »
Enfin, dans la sixième partie, composée d’un seul poème, « Le secret que je garde », le poète plaintif invite sa bien-aimée à demeurer près de lui. «Reste. Veux-tu? plutôt que de me laisser seul? / C'est si triste être seul! »
D’Yril évite tous les thèmes patriotiques et toutes allusions au terroir. Et l’influence des Exotiques? On la trouve surtout dans les deux premiers poèmes du recueil, soit « Dédicace » et « Liminaire » que je cite au complet :
LIMINAIRE
J’ai feint d'assimiler l'Idéal à Psyché,
Quand j'ai parlé d'Eros je songeais à l’artiste.
L'Amour qui te ravit, te passionne ou t'attriste,
J'ai feint de le confondre à l'Art. Et j'ai cherché,
Aux cordes de mon cistre, un rythme hermochariste.
J'ai, de peur que ton cœur en soit effarouché,
Évocativement, dans le conte, caché
L'âpreté du combat où s'obstine le myste
Sur le parvis du temple où, s'enferme son dieu.
Mon chant multicolore ici, là, camaïeu,
J'ai voulu l'infiltrer du nectar qui m'enivre.
Le rêve immarcescible où s'emmêle l'ennui
Je l'ai dit, ainsi que la Beauté qu'il poursuit,
O Lecteur! El voilà le secret de mon livre!...
Ne cherchez pas « hermochariste » et « myste » dans Le Petit Robert, ils ne s’y trouvent pas! Et ne me demandez pas ce qu'est un « rythme hermochariste ». On comprend que le poète veut, par ce poème, donner plus de profondeur à son recueil et le sauver de la banalité ; ainsi il faudrait comprendre que l’amour, c’est l’Art. Passons…
D’Yril prend beaucoup de libertés avec la métrique, souvent irrégulière. Son recueil est richement illustré, la disposition est on ne peut plus aérée..
Il est assez étonnant de constater que ce recueil a pu créer certains remous. « Il y aura tout d'abord une escarmouche autour de la parution du recueil Symphonies de Léo d'Yril. Victor Barbeau mettra le feu aux poudres en faisant un éloge hyperbolique de ce livre dans La Presse du 3 janvier 1920 : « Le Paon d'émail, Le Cœur en exil et les Symphonies forment une trilogie que sans aucune hésitation, je place au sommet de notre œuvre poétique. » (cité par Annette Hayward) J’ose croire que c’était pure provocation de la part de Barbeau. En fait, ce que présente d’Yril, ce sont des petits poèmes d’amour éthéré, plutôt niais. L’inspiration me semble très courte et le style très souvent maladroit comme dans ces vers extraits de « Rien ne vit dans le ciel… »:
Je voudrais, de ton âme exacerbante et brève,
Adorer le frisson angoissant et sacré ;
Et fixer à jamais au rebord de mon rêve
Le délirant émoi de cet émoi sacré.
Je voudrais, de mon tout strident et rénové,
T'offrir la quintessence émotive et vivante;
Et garder, suraiguë, en mon cœur rénové,
L'invulnérable empreinte et la trace brûlante.
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