Albert Lozeau, Billets du soir,
Montréal, Le Devoir, 1911, 125 pages.
Lozeau était déjà un poète connu
lorsqu’il commence à collaborer au Devoir qu'Henri Bourassa vient de fonder (1er numéro : janvier 1910). Ses billets sont
davantage des réflexions poétiques (et même des poèmes en prose) que de courts
essais sociologiques ou philosophiques. Il ne faut pas y chercher de grandes
idées, des perspectives éclairantes sur la société de l’époque, mais plutôt des
ambiances, des états d’esprit, des rêveries poétiques.
Il semble que Lozeau
ne fut pas ce reclus qui se contente d'observer le monde de sa fenêtre, au
mieux de son balcon, qu'on nous dépeint dans nos anciens manuels scolaires. On
dit que sa chambre fut pendant une certaine période un lieu de rassemblement,
lui qui ne pouvait explorer le monde que par des moyens livresques ou journalistiques.
Tous les critiques qui se sont penchés sur son oeuvre ont souligné l’importance qu’il accorde à la nature, lui le confiné, et ces Billets du soir ne font pas exception. La
nature, il peut toujours l’observer de sa fenêtre et déjà, ce n’est pas peu :
« Le jour est clair comme un regard de joie. L’espace semble un amas de
lumière frissonnante sous le ciel vertigineux. La neige d’un toit carré luit,
pareille à quelque épaisse nappe fraîchement lessivée, que saupoudre une farine
d’argent. Couverte de verglas, à la suite d’une pluie indécise et fine, la rue
a l’air d’une rivière arrêtée pour jusqu’au dégel d’avril. / Midi sonne dans
les rayons. / L’heure éclatante bourdonne comme une guêpe affairée. Par le
transparent chemin des vitres, la splendeur du dehors entre dans la chambre aux
rideaux écartés. » La nature vient
aussi à lui à travers la sensibilité de ses amis. « Voici l’automne, je
vais aller rêver sous les arbres, m’a soupiré mon ami ; la montagne est proche
et les après-midi sont belles en septembre. J’aime la chute nuancée des
feuilles ; ainsi que Verlaine, je préfère la nuance à la couleur. » Ce
procédé qui consiste à utiliser un témoin, il va l’utiliser beaucoup dans le
recueil.
Albert Lozeau - BAnQ |
Les billets de Lozeau sont intemporels,
si bien qu’ils résistent au temps et se lisent encore avec plaisir. L’écriture
est souvent très belle et mérite le détour pour elle-même. Si vous avez un peu de temps, allez lire « Derrière
les vitres blanches » pour la poésie qui s'en dégage, ou « Ces savants! » pour l’humour ravageur.
Lozeau va publier deux autres recueils de billets (en 1912 et 1918).
Lire la première série des Billets du soir
Billets du soir
(1912)
Billets du
soir (1918)
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