Joseph Raiche, Journal d'un vicaire de campagne, Montréal, Édouard Garand, 1927, 54 p.
Le Journal d'un vicaire de campagne est « dédié à tous les vicaires qu’entoure la solitude » et, comme le titre l’indique, est présenté comme un journal.
On est en décembre. Jean Tréville fréquente le Grand séminaire depuis quatre ans. Il doit terminer ses études au printemps, mais c’est sans compter sur son évêque qui a décidé qu’il avait besoin du jeune homme dans une cure en Nouvelle-Écosse. En l’espace de 20 jours, il reçoit une formation accélérée : « Que me restait-il au juste à apprendre ? D’abord la récitation du Saint Office, la célébration de la Sainte Messe, l’administration des sacrements, l’étude d’un peu de rubriques où je n’ai jamais brillé, la revue des principaux traités de théologie morale, la retraite préparatoire. » En janvier, il part pour Forest Hill, une paroisse peuplée d’Écossais qui parlent encore le gaélique, là où l’attend le père Gregory, un vieux curé de 80 ans, un saint homme aux dires de ses paroissiens. Il devient Father Treville, car la langue commune est l’anglais.
Les premières semaines sont un peu difficiles, puisque les paroissiens se méfient de cet étranger. Father Treville s’ennuie : « Il y a quinze jours que je suis arrivé à Forest Hill. Je ne dirai pas que le temps a passé rapidement. J’ai trouvé certaines heures mortellement longues. Seul dans cette grande maison, avec un curé de quatre-vingts ans et une ménagère de soixante-et-seize, les jours traînent d’une façon interminable. » Le vieux curé essaie de l’occuper en lui confiant le plus de tâches possibles, l’obligeant à prêcher, à confesser, à visiter les malades, à présider aux « soirées de cartes » du lundi soir. Malgré tout, il souffre de solitude et cherche des distractions : « Je lis beaucoup, mais je ne peux pas toujours lire. J’ai donc décidé de m’habituer à fumer. Ça ne sera pas facile pour commencer, mais avec de la persévérance j’espère réussir. Quelle distraction pour les longues soirées d’hiver ! Longues ! elles le sont. La ménagère disparaît mystérieusement à sept heures et demie. Le curé se couche à huit heures. Je veille seul dans cette grande mission sonore. Quand j’aurai ma pipe, je serai moins seul. » Il va même adopter un petit chat! Il finit par se lier avec ces gens : « La population m’est tout à fait sympathique maintenant. Je sens que j’ai pris le bon chemin pour arriver à leur cœur, celui de les aimer. Ce sont de si braves gens, si dociles, si bien disposés, si respectueux, que cette tâche m’est facile. Il n’y a plus de voile entre eux et moi. Je commence à les comprendre et ils me comprennent mieux. »
Pour le reste, ce ne sont que des petits faits qui meublent tant bien que mal sa vie quotidienne : lien difficile avec un vieillard acrimonieux, belle entente avec un jeune garçon de 12 ans mourant, discussions théologiques avec son vieux curé, visite de l’évêque…
Le Journal, daté du mois de septembre, se termine ainsi :
Le Journal d'un vicaire de campagne est « dédié à tous les vicaires qu’entoure la solitude » et, comme le titre l’indique, est présenté comme un journal.
On est en décembre. Jean Tréville fréquente le Grand séminaire depuis quatre ans. Il doit terminer ses études au printemps, mais c’est sans compter sur son évêque qui a décidé qu’il avait besoin du jeune homme dans une cure en Nouvelle-Écosse. En l’espace de 20 jours, il reçoit une formation accélérée : « Que me restait-il au juste à apprendre ? D’abord la récitation du Saint Office, la célébration de la Sainte Messe, l’administration des sacrements, l’étude d’un peu de rubriques où je n’ai jamais brillé, la revue des principaux traités de théologie morale, la retraite préparatoire. » En janvier, il part pour Forest Hill, une paroisse peuplée d’Écossais qui parlent encore le gaélique, là où l’attend le père Gregory, un vieux curé de 80 ans, un saint homme aux dires de ses paroissiens. Il devient Father Treville, car la langue commune est l’anglais.
Les premières semaines sont un peu difficiles, puisque les paroissiens se méfient de cet étranger. Father Treville s’ennuie : « Il y a quinze jours que je suis arrivé à Forest Hill. Je ne dirai pas que le temps a passé rapidement. J’ai trouvé certaines heures mortellement longues. Seul dans cette grande maison, avec un curé de quatre-vingts ans et une ménagère de soixante-et-seize, les jours traînent d’une façon interminable. » Le vieux curé essaie de l’occuper en lui confiant le plus de tâches possibles, l’obligeant à prêcher, à confesser, à visiter les malades, à présider aux « soirées de cartes » du lundi soir. Malgré tout, il souffre de solitude et cherche des distractions : « Je lis beaucoup, mais je ne peux pas toujours lire. J’ai donc décidé de m’habituer à fumer. Ça ne sera pas facile pour commencer, mais avec de la persévérance j’espère réussir. Quelle distraction pour les longues soirées d’hiver ! Longues ! elles le sont. La ménagère disparaît mystérieusement à sept heures et demie. Le curé se couche à huit heures. Je veille seul dans cette grande mission sonore. Quand j’aurai ma pipe, je serai moins seul. » Il va même adopter un petit chat! Il finit par se lier avec ces gens : « La population m’est tout à fait sympathique maintenant. Je sens que j’ai pris le bon chemin pour arriver à leur cœur, celui de les aimer. Ce sont de si braves gens, si dociles, si bien disposés, si respectueux, que cette tâche m’est facile. Il n’y a plus de voile entre eux et moi. Je commence à les comprendre et ils me comprennent mieux. »
Pour le reste, ce ne sont que des petits faits qui meublent tant bien que mal sa vie quotidienne : lien difficile avec un vieillard acrimonieux, belle entente avec un jeune garçon de 12 ans mourant, discussions théologiques avec son vieux curé, visite de l’évêque…
Le Journal, daté du mois de septembre, se termine ainsi :
– Je crois que la diligence est arrivée. Je vais au bureau de poste chercher le courrier.
– Allez, dit-il.
Il y avait deux lettres, l’une pour le curé, l’autre pour moi. Deux lettres semblables, évidemment de la même personne.
J’ouvris la mienne. Elle était de l’évêque. Il me disait :
– Je vous nomme à X. Veuillez vous y rendre dès demain.
Dans celle du curé, il disait :
– Je nomme le Père Tréville à X. Le Père V. le remplacera bientôt.
Le curé paraissait visiblement ému.
– J’étais habitué à vous, me dit-il simplement. Je montai préparer mes malles.
Le lendemain j’allai faire mes adieux à la ménagère.
– Vous partez, dit-elle, s’essuyant les yeux du coin de son tablier. Je le sais, mon frère me l’a dit. Revenez souvent le voir. Il est plus désolé qu’il ne paraît l’être. Vous lui manquerez.
– Je vous promets de revenir chaque fois que je le pourrai.
La voiture attendait à la porte, le curé se tenait sur le bord de la route.
– God bless you ! me dit-il.
Jamais il ne m’avait paru si grand et si beau que dans cette lumière du matin. Ses cheveux frisaient autour de sa barrette et lui faisaient une auréole.
Il resta longtemps à la même place. Bientôt je ne vis plus qu’une vision lumineuse qui s’effaçait lentement, lentement. Et je sentis que j’avais les paupières humides.
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Joseph Raiche sur Laurentiana
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Beau texte, merci pour le lien!
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